Charybdis

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Nombreux sont les récits de héros qui ont été embellit par les dieux et par eux-mêmes pour glorifier leurs actes puérils et cacher les atrocités qu'ils ont commis et qui ont conduits des êtres purs à leur perte avant qu'ils ne soient diabolisés, transformés en coupables puis en monstres. La plus grande victime de ces mensonges n'est autre que Charybde, créature marine dont le destin a été scellé par la perfidie et la rancune d'Héraclès. Et si vous ne me croyez pas, je vous laisse en juger par vous même en remontant le temps de quelques centaines d'années.

À quelques kilomètres des côtes de la Grande-Grèce, prenant racine à l'endroit exact où les eaux de la Mer Tyrrhénienne et de la Mer Ionienne s'entremêlaient, se dressait une île aux allures de montagne. Rares étaient celles et ceux qui osaient s'y aventurer, et pour cause, les histoires que l'on racontait à son sujet défiaient l'entendement. Selon les légendes, l'île, dont la roche semblait taillée par la main des dieux, cachait un terrible secret. Et parmi les nombreux pêcheurs qui avaient tenté d'arrimer leur barque sur son rivage, peu d'entre eux étaient revenus sans compter des récits à faire froid dans le dos. Selon eux, l'île était vivante et il n'était pas rare d'entendre de la bouche des plus bavards qu'ils avaient entendu les arbres gémir de douleur, et l'eau leur murmurer de faire demi tour au plus vite. Pour beaucoup, cela ressemblait à un avertissement des dieux. Ainsi, personne n'avait jamais vraiment posé le pied sur cette montagne étrange au cœur de la mer et cela avait évité à qui que ce soit de soupçonner l'existence d'une enfant au visage d'ange vivant seule au cœur de cette éminence de pierre que tout les mortels craignaient.

Perchée au sommet de l'île, entouraient par de grands arbres tortueux et construit à même la roche, se trouvait un abri à peine assez grand pour y tenir debout. Les herbes sèches et les feuilles tout juste tombées des arbres tapissaient le sol et formaient une couche presque assez épaisse pour préserver l'endroit de l'humidité de la terre. Au milieu de ce refuge rudimentaire se tenait une jeune fille, prénommée Charybde. Son teint était pâle et son le visage était encadré par de long cheveux bruns qui lui arrivaient au bas du dos. Ses yeux, plus bleu que l'océan lui même, reflétaient la lumière qui filtrait à travers le mince espace que représentait l'entrée de l'abri. Il aurait suffit à quiconque de plonger son regard dans le sien pour comprendre qu'elle n'était pas mortel. Les vagues qui semblaient danser dans le fond de ses iris témoignaient de son appartenance à la descendance du grand Poséidon, fils de Cronos, Dieu des Mers et des Océans. Et s'il était facile de deviner qui était son père, il était tout aussi simple de comprendre que son deuxième parent était aussi d'essence divine. Ses traits fins et sa peau opaline n'avaient rien d'humain. Pour cause, sa mère n'était autre que Gaïa, ancêtre maternelle des races divines et connue des mortels sous le nom de la Déesse Mère. Et si on aurait pu croire, au vu d'une telle parenté, qu'elle avait héritée du sang divin de ses parents, il n'en était rien. Voilà pourquoi elle s'était retrouvée exilée, seule, sur une île au beau milieu de la mer, et ce depuis aussi longtemps qu'elle se souvenait. Mal aimée de ses parents et désapprouvée par l'ensemble des divinités, et tout particulièrement par Zeus, Dieu du Ciel et de la Foudre, elle avait été ignorée et fini par être oubliée par la plupart d'entre eux. A tel point qu'elle même avait fini par douter de sa lignée, ne gardant que sa beauté et son nom à la consonance divine en souvenirs de son sang d'immortel.

Des années durant, Charybde s'était contentée de vivre par ses propres moyens sans jamais se plaindre de son triste sort ni de son immense solitude. Jamais elle n'avait tourné son regard vers l'horizon dans l'attente d'un signe de ses parents et jamais elle n'avait levé les yeux au ciel dans le but de supplier ou d'injurier les dieux. Et tout cela aurait pu durer éternellement si les ressources de l'île n'avaient pas fini par s'épuiser. Les arbres qui regorgeaient autrefois de nombreux fruits juteux n'en comptaient plus que quelques petites dizaines par an. Plus un seul oiseau ne venaient se poser sur les branches qui se déployaient vers les cieux tels des doigts crochus, n'accueillant presque plus aucunes feuilles. Même les poissons semblaient avoir quitté le rivage et il était désormais rare de voir la jeune femme passer ses après-midi, les pieds dans l'eau, à pêcher à mains nues. Elle qui avait toujours eu l'allure et la prestance d'une déesse était désormais aussi maigre que les mendiants qui peuplaient les rues de la Grande-Grèce. Pourtant malgré son visage émaciée et ses traits durcit par la fatigue, elle restait aussi belle et pur qu'au premier jour. Et c'est sûrement ce qui causa sa perte.

CharybdisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant