Le même jour. A la même heure

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Il se sentait étouffer. Pris au piège par les meubles de son appartement.

Sortir. Voilà ce dont il avait besoin. Respirer l'air frais de la nuit et se perdre dans son précieux rituel qu'il accomplissait chaque année le même jour, à la même heure.

Manteau, chaussures, bonnet, écharpe. Il était prêt. Sa main s'enroula autour de la poignée de la porte qui s'ouvrit et se referma dans l'obscure silence de l'immeuble, brisé par le seul son de ses pieds qui dévalaient l'escalier.

Encore une porte et il se retrouva dehors. Le froid de la nuit lui cinglant le visage, il s'arrêta un instant devant l'immeuble avant de reprendre sa marche, les mains dans les poches pour les tenir au chaud.

Dans les rues, brillaient les guirlandes lumineuses et les décorations de Noël qui avait eu lieu la veille. Il entendait les rires des rares passants et voyait les silhouettes des familles qui partageaient un repas chaud à travers les fenêtres des maisons éclairées. Ce tableau lui rappela que le jour précédent il avait refusé de rester avec sa propre famille plus longtemps que le 25 décembre.

Il n'était pas triste. Non. Il se sentait juste vide. Un vide plutôt agréable, qui l'emplissait d'une certaine sérénité, comme si le monde n'avait plus d'emprise sur lui. Il était libre. Ce soir, il était un inconnu parmi d'autres et c'est ce qui le rendait libre. Libre de tout, de la société, des regards mauvais sur lui, des pensées des autres, et surtout, libre de ses propres pensées.

Il se dirigea presque naturellement, instinctivement vers le parc habituellement surfréquenté mais désert à cette heure-ci. Il déambula dans les allées et les souvenirs remontèrent d'eux-mêmes.

C'était ici qu'il l'avait rencontré. Le même jour. A la même heure.

Lui.

Le seul qui avait su voir à travers son masque impénétrable. Qui avait distingué la douleur, le désespoir au fond de son cœur qu'il cachait pourtant si bien. Ce qu'il avait rendu ainsi ? Aujourd'hui il l'avait oublié. Seuls demeuraient les souvenirs de cette nuit-là.

Il s'assit sur un banc en bois usé par le temps. Ce même banc où il avait parlé avec lui pendant près de deux heures. Ils s'étaient dévoilés. Ils avaient parlé d'eux, de leur vie. Écouter et être écouté lui avait fait le plus grand bien. Il s'était senti compris. Il avait eu l'impression d'exister à nouveau. Il n'avait oublié aucun mot de leur échange qu'il se passait dans sa tête, tel un film que l'on regarde au cinéma.

Au bout des deux heures il se leva comme ils l'avaient fait ensemble cette fois-là et sortis du parc sans un regard en arrière, ses pensées toujours tournées vers lui.

Il se remémora leurs mains enlacées alors qu'ils avançaient en silence. Leurs doigts liés. Leurs épaules se touchaient. La chaleur que dégageait sa peau douce et qui lui réchauffait à la fois la main et le cœur. Il ne s'était pas senti aussi bien depuis de longs mois. Il reprenait soudainement goût à la vie.

Ils avaient marché ainsi jusqu'à trouver un café miraculeusement ouvert. Ils s'installèrent et à contre cœur durent se lâcher les mains. Ils avaient commandé des boissons chaudes et, alors qu'ils se réchauffaient les mains avec, ils avaient continué à discuter. Des sourires timides s'étaient échangés. Leurs mains s'étaient frôlées à plusieurs reprises. Leurs regards s'étaient fait de plus en plus intenses.

A présent seul sur la même table qu'à cette époque, il dégustait la même boisson. Cette fois, pas de sourires, ni de regards. Juste le calme du café dont il était le seul client. Les images tournaient encore dans sa tête et il n'essayait pas de les en empêcher. C'était le seul moment de l'année où il se l'autorisait.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 28, 2023 ⏰

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