Chapitre 22 : Doutes

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Assise, depuis plusieurs minutes, sur le bureau de Hanji entre une pile de document et un tas informe de choses et d'autres, je regardais fixement le mur devant moi. Mes jambes se balançaient lentement dans le vide alors que ma camarade s'affairait dans ses placards et sur son plan de travail à regarder à travers des microscopes et des loupes, sans doute était-elle en pleine expérience. Dans la main droite, je tenais une pomme, dans laquelle j'avais à peine croqué, et je repensais à la journée de la veille.

Hier. L'expédition.

Depuis mon accident, j'avais eu peu d'occasions de sortir en dehors des murs. Enfin, en dehors du mur Rose puisque le Bataillon n'avait pas encore pu reconquérir Maria. Souvent, je faisais le raccourci n'ayant moi-même jamais pu réellement « sortir » des murs. Depuis que le territoire des humains s'était reculé par rapport à celui des titans, il était devenu commun de désigner l'enceinte de Maria comme « dehors ».

Pourtant, j'y avais vécu à Maria, je le connaissais bien ce mur, je connaissais surtout Shiganshina mais j'avais mainte fois arpenté les chemins qui menaient jusqu'au mur Rose. Mais c'était avant. Avant l'attaque, avant la destruction de tout ce que j'aimais, avant la fin de tout.

Toujours en fixant le mur, je pris une bouchée de ma pomme. À quoi tout cela servait-t-il finalement ? Le monde était voué à sa perte et le Bataillon n'était pas capable de reprendre ce qu'on nous avait volé. L'humanité était vouée à disparaître au profit de ces monstres dont on ignorait encore tout et personne ne semblait s'en rendre compte.

Je posai les yeux sur mes jambes dénudées, le temps s'était réchauffé depuis le début de l'été. Le temps était plus propice aux balades en forêt ou aux siestes près de la rivière, qu'aux expéditions. Mon genou était légèrement entaillé, pareil pour mes bras, et la paume de ma main gauche était fortement éraflée, souvenirs d'une altercation récente avec un titan. Rien de bien méchant par rapport à d'autres et, d'autant plus, comparé à la cicatrice que je portais depuis plusieurs mois au milieu de la cuisse. Je ne la cachais plus, elle était épaisse et moche mais je m'y étais faite finalement. Et puis, tout le monde savait au Bataillon, ceux qui me regardaient autrefois avec pitié avaient vu bien pire depuis ou n'était plus là pour le faire. Alors, je vivais avec ma blessure de guerre comme tous les autres.

L'expédition de la veille n'avait encore mené à rien. Les pertes humaines et matérielles étaient minimes mais l'humanité n'avait pas avancé d'un pouce. Ça, ce n'était pas moi qui le disais, c'étaient les mots d'Erwin. Il n'avait pas tort, cependant. Peu importe nos efforts, le Bataillon n'arrivait pas à gagner du terrain sur les titans, c'était comme s'ils se multipliaient à chaque fois qu'on les tuait. C'était pourtant impossible, les titans étaient incapables de se reproduire, voilà au moins une des certitudes de l'humanité.

Il n'empêche que le désespoir commençait à prendre une grande place dans mon esprit. Je m'étais engagée dans l'armée avec un but : sortir des murs et voir la mer. Faire ce que John n'avait pas pu terminer. Mais plus le temps passait et moins j'avais espoir d'y arriver un jour. Peut-être que d'autres pourront y parvenir après moi, mais je ne verrai jamais la mer. Voilà ce que je pensais depuis quelques temps.

— Hanji, appelai-je d'une voix presque inaudible, rappelle-moi, pourquoi on fait ça ?

Elle leva les yeux pour regarder les miens à travers ses lunettes.

— J'observe un bout de chair de Gus pour en connaître la composition, me répondit-elle simplement.

— Non, ce n'est pas ce que je voulais dire.

Elle me regarda l'air dubitatif, ne voyant pas où je voulais en venir. Elle pensait réellement que j'avais envie qu'elle déblatère tout son savoir sur les titans.

Souvenirs d'une soldate du Bataillon d'Exploration [LevixOC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant