Les Rivières aux Poignets

Je suis

Je suis de ceux qui sont stressés
Tous les anxieux dans les métros
En direction d'une journée
De soumission dans un bureau
Je suis de ceux qui se lèvent tôt
À qui l'av'nir n'appartient pas
Je suis de ceux qui fument de trop
Leurs p'tits billets dans du tabac

Je suis du peuple des oubliés
Je suis un inconsidéré
Je suis de ceux qui ne comptent pas
"Fais ton boulot et ferme la"
Je suis du peuple des égarés
Ceux qu'ont perdu au fil du temps
L'espoir qu'ils avaient, quand, enfants
Ils se rêvaient comme des géants

Je suis du peuple des fluos
Que l'on déguise pour travailler
Les invisibles sous un gilet
Les silencieux dans les bistrots
Je suis de ceux qui boivent de trop
Les amertumes dans le houblon
Je fais partie du grand troupeau
Sous le drapeau des abandons

Je suis du peuple des fauchés
Des galériens, des gueules cassées
Ceux qui n'ont rien d'autre que leurs mains
Pour affronter à chaque matin
Le quotidien des déclassés
Des édentés qui n'coûtent rien
Des p'tits soldats dans les tranchées
Des embauchés pour un bout d'pain

Je suis du peuple consommateur
Mais qui ne peut rien s'acheter
À part les merdes, les bons marchés
Et l'on me traite de pollueur
Je mange la viande sans protéine
Je mange les fruits des pesticides
J'avale des trucs sans vitamine
Des insalubres, des génocides

Je suis du peuple des modernes
Un grand écran dans mon salon
Regard éteint et visage terne
Devant moi dansent les bouffons
Pourtant je ne suis pas un roi
Dans mon frigo y'a qu'des glaçons
Que j'plonge au fond d'mon désarroi
Dans un grand verre de dépression

Je suis du peuple des colères
Au fond des yeux les cimetières
Des illusions de l'existence
Et des promesses de l'enfance
Je suis du peuple des violences
Celles qui s'immiscent dans l'inconscience
Dans des cerveaux d'ébriété
Et qui explosent l'humanité

Je suis du peuple des condamnés
De ceux qui marchent les yeux fermés
Vers l'abattoir des libertés
Car Liberté, faut la payer
Je suis de ceux-là sans le sou
Pour habiter un bout de terre
Je suis de ceux au fond du trou
Pour qui se cache la lumière

Je suis du peuple des misères
Ce vaste peuple sans frontière
De ceux qui n'ont pas de couleur
Les transparents, les sans-valeurs
Je suis de ceux qui déambulent
Quand il est tard, les morts-vivants
Quand tombe enfin le crépuscule
Ceux qui font peur aux braves gens

Je suis du peuple des sans-dents
Des étrangers, des sans-papiers
Je suis du peuple manifestant
De ceux qui battent le pavé
Je suis du peuple des solidaires
De ceux qui partagent les lumières
Je suis la France, je suis la Terre
Je suis l'humain et l'univers