Rendra plus fort

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Chapitre 14

Le reste de sa semaine de repos passa comme une vague de brouillard. Otsu avait peur de sortir, peur d'être arrêtée pour les meurtres, peur de voir la milice débarquer à l'Oeillet avec cris et fracas.

Mais rien ne se passa.

La jeune femme avait déjà blessé par le passé, et même avant l'entraînement militaire. Et des morts, elle en avait vu. Sauf qu'ils n'étaient pas morts de ses mains.

La culpabilité l'avait étouffé au début, et Otsu se sentait prête à assumer ses crimes, elle le voulait même, elle était prête à se laissait passer les menottes, si seulement ça n'aurait pas mis en danger les filles de l'Oeillet.

Mais personne ne vint.

La culpabilité disparût, et l'anxiété d'Otsu s'approcha, d'abord à pas de velours, puis s'accrocha à ses épaules, comme une amie chère. Une amie possessive qui l'éloignait de ses sœurs, l'empêchait de manger, l'empêchait de dormir, l'empêchait de penser.

La jeune femme comprit alors deux choses.

Premièrement, toutes les filles de l'Oeillet étaient passés par là. Et chacune avait trouvé comment ne pas sombrer. Peut-être qu'aucune n'était responsables de d'entative d'empoisonnement, de chantages ou de meurtres, mais le résultat était le même. Travailler à l'Oeillet était un cauchemar, et ce cauchemar vous suivait au réveil, pesait sur votre dos de tout son poids et vous changeait en monstre.

Otsu s'était vu offrir une branche de salut, qu'elle n'avait plus qu'à saisir.

Et deuxièmement, elle allait arrêter de réfléchir, et faire seulement ce que l'on attendait d'elle. Plus tard, Otsu penserait ses plaies, réparerait ce qu'il y avait à réparer et assumerait toutes ses erreurs. Mais pour l'instant, elle allait enfouir tout ça profondément, et se contenter d'être une serveuse, une prostituée et une espionne.

Fini, de s'apitoyer sur elle même. Fini, d'avoir des regrets. Otsu allait simplement avancer un pas après l'autre, sur ce chemin tracé pour elle, mais pas par elle.

Et elle allait survivre.

Imperturbable, les traits résolus et les poings serrés, Otsu, parée de son plus beau kimono, reprit sa place à l'Etage Privé.

Dame Yukari, invisible aux filles, finissait d'arranger le salon avant l'arrivée des premiers clients. On l'entendait aller et venir en maugréant dans les alcôves.

« Tu vas bien Otsu ? S'enquit Fuyu dans un faible murmure.

- Oh, oui, pourquoi ?

- Je ne sais pas... Tu as l'air... Différente ?

- Tout vas bien. Mais dis donc Fuyu, tu es sensée avoir les yeux baissés, comment sais-tu de quoi j'ai l'air ?

- C'est encore un de ses talents cachés ça.

- Mesdemoiselles, dois-je amputer vos salaires pour que vous cessiez vos bavardages ? »

Aussitôt, à l'unisson, les dos des filles se redressèrent et leurs têtes, sans concertation, fixèrent résolument le sol, cachant leurs sourires.

« Bien, que je n'ai pas à vous le rappeler. Ou aucune de vous ne sera payé pour son travail de ce soir. Otsu, je suis ravie de te revoir, j'espère que tu as bien profité de ton congés, tu n'en auras pas d'autres tout de suite. Beaucoup de clients veulent passer une vraie soirée en ta compagnie. Tu te doutes qu'ils veulent surtout partager un lien avec ton... Client particulier. Assure toi qu'ils ne soient pas déçus, et surtout, qu'ils viennent plus souvent. »

Bienvenue à l'OeilletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant