Un rayon de soleil éblouissant traversait le vitrail pour venir éclairer la cuisine. Une douce luminescence dorée se reflétait sur le cuivre et le bronze de la vaisselle.
Loin de l'effervescence qui avait agité le palais de Losthange une bonne partie de la nuit, cette ambiance calme du petit matin plongeait Aleksi dans une profonde réflexion. L'aube l'avait surpris éveillé et désormais, il ne pouvait s'empêcher de ruminer. Trop fébrile, il n'avait pu se résoudre à sombrer dans les limbes du sommeil.
Il était rentré, quelques heures plus tôt avec Freyja, tenant son rôle de garde du corps. Mara avait disparu en compagnie de son tout nouvel amant sans prendre la peine de le prévenir ou de dire quoique ce soit. Il ne savait même pas ce dont elle avait pu discuter avec cette reine de malheur...
Ce comte prétentieux... Si seulement il pouvait retourner pourrir dans ce trou à rat qu'était la citadelle d'Orsignac !
Aleksi le haïssait de tout son être, avec tant d'ardeur que s'il n'avait pas réussi à se maîtriser d'une façon ou d'une autre, Iskela aurait surgit pour n'en fait qu'une bouchée.
Et il sentait bien que c'était réciproque. Contrairement aux précédents amants de la Meravigliosa, celui-ci semblait se méfier du mercenaire. Un peu trop d'ailleurs... Sans parler des piques acerbes qu'il lui avait déjà adressées... Il y avait entre eux une hostilité si prégnante, si poignante qu'ils semblaient se trouver en suspension sur un fil au-dessus du vide, comme deux funambules prêts à se battre. Le premier qui basculerait entrainerait l'autre dans sa chute. Du moins, il essayerait...
Sous les assauts de la colère et du mépris, son cœur se serrait, gagné par une noirceur dévorante. Iskela, aux lisières de sa conscience, grognait, griffait, se débattait... Et la rage destructrice du démon se mêlait à sa propre hargne. C'était dévorant. Ça le prenait aux tripes et ça le torturait avec plus de violence que n'importe quoi en ce monde.
Par tous les daemons ! Qu'il le haïssait ! Qu'il la haïssait ! Qu'il l'aimait...
« Vous semblez soucieux...
La voix de la petite servante s'éleva à ses côtés, le ramenant sur terre et le tirant hors de ses pensées. Il battit des paupières, reprenant pieds avec la réalité. Le souffle ardant de rage qui le ravageait reflua, comme les vagues avant le raz de marée. Ce n'était pas encore l'heure...
Son regard sombre se posa sur Sigrid qui le fixait de ses grands yeux bleus, vêtue d'une simple chemise de nuit encore à moitié déboutonnée. Elle lui souriait avec inquiétude, la lumière de l'aube se reflétant curieusement sur ses traits maladroits.
Il y avait dans son expression tant de simplicité, tant de douceur, que le mercenaire ravala un peu plus son amertume pour lui adresser un sourire faux :
— Ce n'est rien.
Du regard, il chercha sa cape et ses chausses. Elles reposaient dans un coin de la pièce, entièrement chiffonnées. Lorsqu'il avait débarqué dans la petite réserve où dormait la servante rhünoise, en plein milieu de la nuit, il n'avait pas réellement fait attention à où elles avaient atterri. Mais à ce moment-là, il n'avait pas les pensées aussi clairs qu'à présent. Un rictus désabusé étira ses fines lèvres. Bon sang, il se dégoûterait presque...
— Voulez-vous qu'j'vous chante une berceuse de mon pays ? s'enquit doucement Sigrid, posant une main sur son avant bras.
Il sursauta presque et tous ses sens se mirent en alerte alors même que son instinct hurlait au danger. Pourquoi demandait-elle ceci ? Les avait-elle démasqués ? Avait-elle compris d'où ils venaient réellement ? Sous la menace que cette perspective présentait, il porta instinctivement la main à sa ceinture, à la recherche de sa dague.
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Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sang
FantasyNul ne sait d'où vient la sublime duchesse Mara Meravigliosa, dont les appâts viennent troubler la cour de Navarie. Elle est arrivée un beau matin et n'est plus jamais repartie. Une arrivée que la reine voit d'un mauvais œil. L'ambitieuse Mara l'inq...