CHAPITRE XI - WYATT

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La neige tombe à nouveau sur la ville.

J'entre chez Janice en ôtant mon trench et, directement, une hôtesse vient me voir, maquillée comme si elle sortait d'une comédie musicale.

- Bonsoir, avez-vous réservé ?

- Ouais, Wyatt Moore. Je suis normalement accompagné du Père Julian.

- Oh, bien sûr. Le Père Julian vous attend à la table douze.

J'acquiesce sans un regard pour elle et déambule entre les tables à la recherche de la table indiquée. Mais ce n'est pas difficile, il n'y a qu'un homme qui porte du noir en permanence et dont les yeux bleus me fusillent aussi bien.

J'humecte mes lèvres en m'installant face à lui, le souffle un peu court d'avoir couru pour ne pas être trop en retard. Évitons d'avoir mauvais genre.

- Désolé pour le retard, Padre.

- Je m'y attendais.

Voilà, ça commence bien. Je prends un temps pour le regarder, l'admirer. Il ne porte pas de col romain, pas de soutane. Un jeans foncé et une chemise noire qui, je dois l'avouer, lui va bien mieux que la grise de tout à l'heure. Ça courbe encore plus ses formes. Julian sent que je le fixe, parce que ses joues rosissent et il fait mine de jeter un œil attentif au menu.

- Un apéro ? finis-je par demander.

- Je vais prendre un Safari orange.

- Oh, les prêtres peuvent boire de l'alcool ?

- Seulement lorsqu'ils savent que leur dîner sera désagréablement long.

Boum, en pleine face ! Uppercut violent.

Je penche la tête sur le côté en haussant un sourcil, cherchant son regard.

- Qu'on en finisse, lâche-t-il en appelant le serveur.

Ce dernier vient directement.

Ce n'est pas vrai... Putain de merde.

Il fallait que ça tombe sur quelqu'un que je connais. Enfin, que je connais de corps surtout. Je crois avoir baisé avec lui au Caprice, ou bien c'était chez Johnson, le bar qui longe la Nationale entre New York et Philadelphie. Je ne sais plus. Mais ce grand métis, je suis sûr et certain de lui avoir déboîté la mâchoire. D'ailleurs, ses yeux s'arrondissent lorsqu'il me voit.

- Je prendrais un Safari orange, des spaghettis au pesto maison et un Coca pour accompagner le plat.

- Très bien, rétorque le serveur.

Marcus ? Magnus ? Malcolm ? Merde, c'était quoi son prénom ?

- Et vous, monsieur Moore ?

Il me regarde chaudement, les pupilles chargées de braises. Julian, quant à lui, renfrogne un rire nerveux.

- La même chose sur tous les points. Merci.

Je referme le menu et croise les mains sur la table. A mon tour d'être mal à l'aise. Je ne veux pas parler avec le serveur, il m'a déjà été utile. La seule personne qui m'intéresse actuellement, c'est celle qui m'offre un regard froid comme l'antarctique et des lèvres rouges que j'ai envie de bouffer sans merci. Je veux arracher sa peau.

- Pourquoi vouliez-vous m'inviter à dîner ?

- Vous me plaisez, déclaré-je du tac au tac. Et puis, c'est une bonne occasion d'apprendre à vous connaître. Pour que vous appreniez à me connaître, aussi.

Ses yeux s'écarquillent.

- Oh, s'il vous plaît, s'esclaffe-t-il. Je vous connais bien assez pour savoir que nous sommes de parfaits opposés. Un enfant de Dieu et un démon à la même table, voyez-vous ça !

GOOD BOYS GO TO HELLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant