Chapitre VIII - Premier jet

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    Par chance, le coven de Londres et le Département de l'Étrange faisaient tous deux partis du même quartier : celui de Bloomsbury, qui accueillait déjà l'imposant British Museum. Il ne fallait donc qu'un petit quart d'heure pour arriver devant un bâtiment étroit, en pierre grise, où des dessins au charbon - visiblement de jeunes enfants - se courraient après sur la façade du bâtiment. Perchée au-dessus de la porte d'entrée, une gargouille pas plus grosse qu'un chat nous faisait face les yeux mi-clos, visiblement encore endormie en ce début d'après-midi. Mon éducation tapa le pied devant ce manque de bienséance, mais je retins ma grimace de dégoût.

  - Grimalkin ?

    Ma voix tira la créature de son sommeil. Elle releva lentement sa tête ornée de deux longues et fines cornes, avant de se redresser et de s'étirer paresseusement. Son corps de pierre qui mêlait le dos écailleux d'un reptile, les pattes avant d'un oiseau et l'arrière-train d'une chèvre, craqua plusieurs fois pendant que deux yeux aussi limpides que du cristal nous observèrent avec curiosité.

  - Bonjour Grimalkin. Miss Burke serait-elle disponible ? Nous aurions besoin de la consulter, mais j'ai bien peur que nous n'ayons pas pris rendez-vous...

    Il cligna lentement des paupières, avant de fixer son regard sur l'homme derrière moi, puis sur le loup. Bien que son visage n'affichait aucune émotion, je pouvais percevoir une sorte... d'ennui de sa part.

  - Bonjour Miss Valentine. Aucun homme n'est accepté dans le coven.

  - Je suis au courant, Grimalkin. Mais pouvez-vous obtenir son autorisation ? Nous avons besoin de la voir rapidement.

    La gargouille pencha la tête sur le côté, silencieuse. À mes pieds, Mr. Vincent commença à s'impatienter et se colla nerveusement contre le bas de ma robe. Peut-être était-ce dû à cet étrange personnage à trois bras, dessiné au charbon, qui semblait se pencher vers l'animal. Je préférai porter mon attention sur une élégante lampe accrochée au-dessus de nos têtes, où de petites créatures qui tenaient à la fois de la chèvre et de la libellule se promenaient tout le long des parois de verre. Je me demandais bien comment des puccas, ces fées si fières et si taciturnes, pouvaient avoir accepté d'être retenues prisonnières dans cet objet.

    Mes pensées furent arrêtées net par un feulement bas, avant qu'un sabot ne frappe bruyamment la traverse où la statue s'était installée.

  - Miss Burke vous demande de l'attendre dans le salon de perle, siffla Grimalkin avec un mécontentement manifeste. Toutefois, vos... compagnons doivent rester à tout moment à côté de vous. Sinon...

    Exactement au même moment, plusieurs lueurs rouges et vertes brillèrent derrière les fenêtres du bâtiment. Je n'eus pas le temps de m'interroger sur leur origine : elles disparurent tout aussi vite qu'elles étaient apparues, et la porte d'entrée s'ouvrit dans un long et désagréable grincement. Peut-être pouvais-je recommander un peu d'huile pour ne pas effrayer leurs invités.

    Je m'avançai et fis quelques pas à l'intérieur du petit hall. Un portemanteau se déplaça aussitôt jusqu'à mon niveau et je lui confiai sans hésitation mon chapeau et mon mantelet. Une serviette lévita jusqu'à Mr. Vincent et lui essuya soigneusement les pattes, évitant ainsi qu'il ne tache le sol. Quant à Lord McDonnell...

    Sa situation était bien plus cocasse.

  - Dois-je comprendre que les sorcières ont un bien étrange sens de l'humour ? gronda-t-il tout en observant sa nouvelle apparence.

    J'avais entendu dire que des sortilèges de camouflages permettaient de dissimuler un homme aux yeux des habitantes du coven, mais je devais reconnaître que je ne m'attendais pas à me retrouver devant une femme de bonne famille. Sa longue chevelure brune était ramenée sur sa tête en une coiffure retenue par des tresses, ses yeux caramel bordés de cils d'un noir charbonneux et sa silhouette - certes un peu large pour une lady - mise en valeur par une toilette simple, dotée de fines rayures marrons et d'une tournure à la mode. Un parfait déguisement pour introduire un alpha au milieu de jeunes filles plus obsédées encore par le sexe opposé que celles vivant dans des pensionnats.

Le voleur d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant