Les clés tintent à la porte.
Ma prison s'ouvre, non pour me laisser sortir, mais pour laisser entrer l'homme qui partage mon morceau de rien. Je suis encore dans la salle de bain, mais je visualise très bien George refermer la porte, déposer son manteau et ses clés, me chercher du regard dans le salon. Il doit voir ma broderie sur le fauteuil, se rapprocher, se retourner et se demander où je suis. Je ne lui laisse pas le temps d'appeler mon prénom, je sors de ma cachette, les manches bien descendues.
Il s'approche de moi, dépose un semblant de baiser sur mon front et part s'installer devant la télé pour me laisser cuisiner. Bien sûr, c'est toujours à moi de le faire pendant que monsieur se la coule douce. Ce soir je n'ai pas envie de faire d'effort, ce sera spaghettis bolognaise.
L'eau des pâtes bout. Je m'imagine y plonger la main, ressentir la brûlure me rendre la peau écarlate, la cuire avant que ma chair se détache doucement de mes muscles. Cela m'arracherait un cri libérateur, le cri de celle qui a senti.
Je ramène les pâtes à la salle à manger, mets la table, appelle George. Je frapperai presque trois coups pour que nous débutions la pièce que nous jouons chaque soir, comme si nous répétions pour quelque grande prestation devant le public las que composent nos meubles et nos babioles.
Sans surprise, nous rejouons le texte à la perfection. Il me raconte sa journée, je l'écoute sagement, fais mine de m'intéresser, de m'effacer tout en restant là. Une partie de mon esprit se détache et voyage au-delà de ces quatre murs, il imagine quelque catastrophe qui interromprait le monologue interminable de George. Je me demande si un tremblement de terre l'arrêterait.
Tout à coup un bruit explose contre notre porte d'entrée qui donne directement sur la salle à manger. Par miracle George s'arrête et se retourne subitement. Silence. Il aurait fallu bien moins qu'un tremblement de terre finalement. Le bruit recommence, plus fort cette-fois. Malgré moi, mon sang se fige. Quelqu'un veut de toute évidence entrer de force chez nous.
George se lève mais ne fait rien, il attend comme un garçon apeuré attend le retour de son père pour sa punition. Il sait certainement qui se trouve derrière la porte, qui menace ainsi notre ennuyeuse intimité. Je ne peux m'empêcher de ressentir une dévorante curiosité. Aller, plus qu'un coup et cette porte cédera, encore un effort !
De l'autre côté de la porte on entend certainement mes prières déplacées puisqu'un coup assourdissant retentit une dernière fois avant que la porte sorte de ses gongs et vienne s'abattre avec violence contre le sol de notre salon.
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Cher Tortionnaire
RomanceGloria, dépressive, est malheureuse dans son mariage. Elle ne ressent plus rien, et bien qu'elle ait tout ce qu'il lui faut, il manque cruellement une chose à sa vie. Elle est loin de se douter que cette même chose va débarquer chez elle comme un ou...