Vie de Valeur - Tome 1

1. Un jour

          Dans la petite bourgade de Kilambu, au pays de Boïké, quelque part en Afrique, Ornella ouvrit les yeux à l'aube sur le petit cagibi qui lui servait de chambre à coucher pour prier et lire sa Bible comme tous les matins. Elle porta ses regards sur son petit calendrier contre le mur. Ornella avait enfin vingt-et-un ans. Si sa défunte mère n'avait pas quitté ce monde il y a douze ans jour pour jour, cela aurait sans doute été un joyeux anniversaire. Malgré les circonstances, elle avait conscience que Dieu l'avait toujours gardée. Après avoir remercié Dieu pour cette année supplémentaire, la jeune femme fit sa toilette avec sa bassine d'eau posée à côté de son matelas tout décrépi. C'était le seul luxe qu'on lui permettait d'avoir. Après s'être changée, Ornella commença ses tâches ménagères. Alors que la maisonnée s'éveillait, Ornella finissait de mettre la table pour sa tante et ses trois cousines. Comme tous les matins, elle n'avait pas chômé. La table était remplie. Tout y était : Lait, thé, café, confitures, jus de fruits pressés, salade de fruits frais, jolis petits pains et galettes chaudes, charcuterie de toutes sortes et pâtisseries en tout genre ... Un vrai festin auquel elle ne pouvait participer tandis que ces dames ne faisaient que picorer. Béatrice, la tante d'Ornella et propriétaire des lieux ainsi que Merveille, l'aînée des trois filles, prirent place sans même adresser un regard à Ornella. Cathy, la benjamine, lui lança un bonjour timide tandis que Bethany, la cadette lui souhaita très discrètement un joyeux anniversaire avant de lui glisser une enveloppe dans la poche de son tablier. Un sourire échappa à Ornella qui s'empressa de retourner en cuisine pour en découvrir le contenu. Au même moment, sa tante la rappela.

Béatrice : Où va-t-elle celle-là ? Ornella !

Ornella : Oui, ma Tante ?

Béatrice : Tu veux déjà me mettre de mauvaise humeur dès le matin ?

Ornella : Non, ma Tante ...

Béatrice : Qui t'a donné la permission de bouger ? Tu restes ici jusqu'à ce qu'on ait fini de manger, comme d'habitude.

          Une fois toutes installées, le repas débuta dans un calme presque religieux. Seuls les tintements des couverts et le croustillement du pain se faisait entendre. Pendant que toutes songeaient à la journée qu'elles avaient devant elle, Bethany interpella sa mère.

Bethany : Maman ?

Béatrice : Oui, ma chérie ?

Bethany : Tu sais que c'est l'anniversaire d'Ornella aujourd'hui ?

Merveille : Et alors ? Qu'est-ce que tu veux que ça nous fasse ?

Bethany : Ce n'est pas à toi que je m'adresse.

Béatrice : Mais ta sœur a raison : Où est-ce que tu veux en venir, Chérie ?

Bethany : Elle pourrait ... Je ne sais pas ... S'asseoir avec nous et manger un peu à notre table ?

Merveille rit aux éclats. Pour elle, gentillesse et discrétion n'étaient que de sombres concepts désuets. Elle fit mine d'essuyer ses larmes tant elle avait ri puis asséna à sa sœur :

Merveille : Tu ne veux pas aussi lui prêter ta garde-robe, ta salle de bain ou encore ta brosse à dents ? Et si tu faisais le ménage à sa place tant que tu y es ?

Bethany : Merveille, qui t'a demandé de l'ouvrir ?

Béatrice : Bethany, surveille ton langage et sors-toi immédiatement cette idée de la tête. Je tolère déjà sa présence dans cette maison et lui donne ce dont elle a besoin. C'est déjà bien assez. Mais comme je suis une femme très bonne, elle aura le droit à une brioche aujourd'hui en plus de sa ration quotidienne mais ce sera tout. Satisfaite ?