Chapitre 16 : Enchantée

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Lara.

Je tourne en rond. Je me ronge les ongles, furieusement.  Je meurs d'impatience, et en même temps, je sens la colère pointer son nez. Une seule QUESTION à mon esprit :
Pourquoi Neymar est-il rentré précipitamment, et qui est la fille qu'il veut me présenter ?
Pourtant c'est tellement évident. Il a trouvé quelqu'un. À peine une semaine après avoir appris la mort de Leila. La grande CLASSE.
Et si ça se trouve, il est sur le point d'officialiser. Le genre de d'officialisation comme présenter cette fille à la sœur de son ex morte pour avoir sa bénédiction, ou même, qui sait, officiel comme des fiançailles. Mes paumes deviennent moites. Comment est-ce que je pourrais me contrôler en face de cette femme qui aura volé l'avenir qui était destiné à ma sœur ? Comment oublier que c'est elle qui aurait dû se tenir là, devant moi, au bras de Neymar, un sourire énorme aux lèvres et une bague au doigt, au lieu de celle (encore hypothétique) que je m'apprête à RENCONTRER ?
J'appuie mes deux mains sur le plan de travail et reprends mon souffle. Après tout, cette fille sera comme un membre de plus dans ma (MAIGRE) famille de substitution. Une espèce de belle-sœur officieuse, une sœur de remplacement, tronquée. Je lève la tête vers le placard laqué en face de moi, qui me renvoi une pitoyable IMAGE de moi-même, décoiffée, affolée, abattue. Je me redresse et me force à sourire, en me préparant à ce qui va suivre.
 
-  Oh, wahou, je suis tellement heureuse pour toi, Neymar ! Vous formez un si beau couple. Leila aurait très fière...
 
Ne pas parler de Leila. Juste, dire que je suis heureuse pour eux. Poser des questions. Comment vous vous êtes RENCONTRÉS ? Ça va faire combien de temps ? Tu viens d'où ? Sais-tu qu'à la base il était censé épouser ma sœur, malheureusement, elle est morte, mais bon, apparemment il retombe plutôt vite sur ses pattes puisqu'à peine une semaine après l'avoir appris il se fiance avec toi, d'ailleurs je croyais qu'il était avec Bruna, mais visiblement c'est terminé, mais après tout, les amis ne sont peut-être pas supposés se dire ce genre de choses importantes, n'est-ce pas Neymar ?
J'inspire un grand coup et secoue la tête. Je n'ai pas à gâcher son bonheur. Ma famille l'a déjà mis en miette une fois. Je ne recommencerai pas.
C'est simplement, qu'il avait l'air tellement heureux au téléphone. Joyeux, excité, comblé. Et au fond de moi, même si c'est terrible, j'aurais préféré qu'il ne s'en remette pas si vite. Ma sœur mérite au moins une semaine de tristesse et de deuil, il me semble.
Je m'apprête à recaler une image de joie SUR mon visage quand la sonnette retentit, et que mon cœur fait un bond.
LENTEMENT, presque à reculons, je me dirige vers la porte et pose ma main sur la poignée. Elle me fait étrangement mal, comme si ma main était devenue trop sensible pour le moindre contact. Avant que je puisse réfléchir, je m'ordonne d'ouvrir et découvre sur le seuil de ma porte non pas deux, mais une seule personne.
Et mon cerveau ne comprend tout simplement pas.
Pourquoi est-ce qu'il est seul ? Est-ce que je me suis fait un film, et qu'il n'y a en fait pas de fille ? Qu'il plaisantait en disant ça ? Je m'efforce de ne pas sourire autant que j'en aurais envie.
 
-  T'es seul ? je m'étonne.
 
Il me sourit et me prend dans ses bras pour me dire bonjour. Je ris intérieurement d'avoir été aussi conne. C'est peut-être juste une visite amicale, après tout.
 
-  Non, elle est dans la voiture, elle arrive.
 
Fais chier. Je me retiens de lever les yeux au ciel.
 
-  ÉCOUTE, il faut que je te dise un truc, il avoue en passant nerveusement sa main dans sa nuque.
-  J'ai compris, Ney, c'est bon. C'est ta copine, tu penses que c'est la bonne et tu veux me la présenter pour avoir quoi, un genre de bénédiction, de feu vert, parce qu'au fond tu te sens quand même coupable par rapport à Leila ? Alors, je te la donne. Tu as le droit de refaire ta vie, et d'être heureux toi aussi, même si j'avoue que j'aurais préféré que ça ne se fasse pas aussi rapidement...
 
Il me regarde en riant. Je ne sais pas ce qu'il trouve drôle, mais moi ça ne fait pas sourire. Je me sens vaguement nauséeuse, sûrement à cause de tout ce que je viens de dire, qui m'a presque arraché la bouche tellement c'est douloureux. J'aurais dû m'en tenir à un banal « je suis heureuse pour toi ». C'est un mensonge plus court.
 
-  Quoi ? je demande, sur la défensive.
-  Rien. Elle va t'adorer.
 
Ce garçon est insupportable, ma parole. Il se fout pas mal de ce que je viens de dire, il semble nager dans une cuve REMPLIE à ras bord de bonheur et d'amour. Répugnant.
 
-  Je vais la chercher.
 
Il tourne les talons et je passe ma main dans mes cheveux pour me donner une contenance.
 
-  C'est ça, va chercher ta grognasse, je murmure en soupirant.
 
Oh-wahou-je-suis-tellement-heureuse-pour-toi-Neymar-vous-formez-un-si-beau-couple-comment-vous-vous-êtes-rencontrés, je me récite dans ma tête en sentant le poids dans mon estomac revenir me torturer.
Il repasse de NOUVEAU la porte en se mordant les lèvres d'impatience, et me regarde tandis que la fille entre à son tour. Je souris en le regardant.
 
-  Oh, wahou, je suis tellement heureuse pour toi, Neymar !
 
Je me tourne vers elle en ESSAYANT d'adopter la mine la plus réjouie que je peux.
 
-  Vous formez un si beau...un si beau...
 
Les mots meurent dans ma bouche tandis que je la regarde pour la première fois, même si un sentiment de malaise me fait me sentir comme si ce n'était pas le cas. Et pour cause. Elle lui ressemble tellement. J'ai l'impression de les voir, avec Neymar.
Je sens la colère monter, vaguement nauséeuse. Pourquoi était-il obligé d'en CHOISIR une qui lui ressemblait autant ? Il veut retourner le couteau dans la plaie ? La remplacer ? Mon cœur palpite follement dans ma poitrine tandis que je la détaille. Elle a de longs cheveux bruns, ondulés, des yeux marrons et perçants, et ne dit rien. Elle se contente de me regarder, bouche entrouverte. Et je la regarde, moi aussi.
Et je la vois.
 
2004, 2 ans avant.
 
-  Elle était comment, maman ?
 
Ma voix, désespérée, effleure l'air de notre chambre dans la favela. Je contemple mon reflet dans le miroir en face de moi. Une petite fille, avec de grands yeux marrons clairs affolés, de nouvelles dents, assise en tailleur par terre, sa grande sœur de douze ans lui faisant des tresses avant d'aller à l'école.
À mes mots, Leila lève la tête et fronce les sourcils en me regardant dans le miroir.
 
-  Tu as déjà vu des photos, Lara, elle répond. Brune, les cheveux aux épaules...
-  Je sais plus comment elle bougeait, j'avoue. Les photos, c'est que des IMAGES figées, elle a une tête différente sur chacune.
 
Elle noue un élastique au bout de mes tresses avant de soupirer et de me regarder de NOUVEAU.
 
-  Tu ressembles à maman, elle affirme. Et moi aussi. On a ses cheveux et tu as ses yeux. Marrons clairs, un peu dorés. Je me souviens qu'elle avait les mêmes, exactement. Elle te le disait, tout le temps, et j'étais jalouse parce que les miens étaient comme ceux de papa. Pour le reste, toi et moi, on est quasiment jumelles. Regarde comme on se ressemble.
 
J'avais regardé dans le miroir et sourit, fière que ma superbe grande sœur me compare avec elle, et avec ma mère. Elle était la seule figure maternelle qui me restait, une sœur et une maman à la fois. Je la sentais parfois bien plus sérieuse avec moi qu'elle n'aurait voulu l'être, désireuse de m'inculquer des valeurs, de faire de moi quelqu'un de bien, avec un AVENIR, des manières, des repères.
Quand elle est parti, tout ça s'est effondré comme un vulgaire château de CARTES.
 
Aujourd'hui.
 
Regarde comme on se ressemble. Elle, moi, Leila. Quasiment des triplées. La nausée se fait plus forte, elle pèse sur mon ventre. J'ai chaud, beaucoup trop. Pourquoi elle ne dit rien ? Pourquoi elle ne se présente pas, pourquoi elle ne dit pas... Ces mots. Pourquoi se contente-t-elle de me FIXER ? La vérité c'est qu'elle a l'air aussi gênée que moi. Elle doit le voir, que je lui ressemble comme deux gouttes d'eau. C'est comme la troisième sœur de la famille Rayos. Un enfant qui se serait perdu et que je retrouverais aujourd'hui...
Je ricane intérieurement de ma stupidité. Je force mon cerveau à CONTINUER son délire mais au fond je le sais. Je sais que c'est Leila, je le sais bien. C'est elle, là, devant moi. Comment ne pas reconnaître sa propre sœur ?
Des points blancs viennent entraver ma vision. Pourquoi est-ce qu'elle ne dit rien ? Dis-le, que c'est toi. Dis-le.
J'ai la bouche engourdie. Mon cerveau fonctionne comme si j'avais bu. Je souris bêtement tandis que j'ai la folle impression que je m'endors, tout doucement.
 
-  Salut, Lei, j'articule difficilement.
 
Brusquement cette fois, je vois tout noir, et ma tête percute le sol.
 
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⏰ Dernière mise à jour : Apr 01, 2015 ⏰

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