Le petit glaçon

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Au fin fond de l'hiver, dans un petit village baigné de lumière, un petit glaçon marchait dans la neige au milieu des flocons. Partageant des présents au passant et discutant nonchalamment. Puis vint l'heure du retour et le petit glaçon rejoignit sa tour. Un lieu froid et sans chaleur où reposait son petit cœur.

Il s'installa sur son canapé et observa une à une ses cheminées. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas communiqué par flammes interposées, mais de quoi pourrait-il parler ? De sa monotone journée ? Du dernier film qu'il a visionné ? Ou peut-être de son gâteau préféré ? Une fois son sujet trouvé, il attrapa une bougie et la déposa au centre du foyer. Plusieurs minutes plus tard, une réponse lui fut apportée et ainsi s'entama la discussion. Mais après quelques échanges, la cheminée s'éteint sur ses émotions.

Déjà terminé... Le feu n'aura pas duré. Il devait être occupé ou juste qu'il n'était pas intéressé. Le petit glaçon secoua la tête pour chasser ses sombres pensées. Il se redressa vivement et partit confectionner ses présents. Il devait faire des efforts s'il voulait créer du lien ! De ses fourneaux naquirent biscuits et autres pâtisseries qu'il dressa avec amour avant d'aller plonger dans ses oreillers.

Comme promis le lendemain, il partagea ses douceurs. Sentant son petit cœur se réchauffer face à la mine souriante de ses invités. Mais quand il vint à manquer, les voyageurs s'éloignèrent vers d'autres contrées. Il tenta de les appâter avec d'autres menus discours, mais cela suffit rarement à créer un vrai attachement.

Puis le soir, il rentra dans sa tour pour observer ses dizaines de cheminées gelées. Il n'avait aucun sujet de conversation alors à quoi bon entamer une discussion. Il préfèra s'atteler au montage du sapin de cette année. Après moultes émotions, il termina sa création. Fier, il voulut la partager, mais hésita sur qui s'adresser. À une de ses cheminées ? Non, il aurait trop peur de déranger ou d'être poliment ignoré. Retourner en ville pour l'exposer ? Qui cela intéresserait... Par timidité, il resta sur cette désillusion et se contenta de contempler seul sa création.

Le lendemain il retourna en ville les mains vides, il n'a pas eu le temps de préparer ses douceurs, mais qu'à cela ne tienne, il a une heure pour participer !

Tiens des gens près du lac, mais ils étaient très concentrés. Terrifié par leur débit de paroles et l'étrange sensation de ne pas avoir été invité, il fit demi-tour. La maison de pain-d'épices était-elle occupée ? Deux personnes parlaient d'une chanson qu'il n'avait pas écouté. Après une once d'hésitation, il alla se renseigner sur la chanson, mais le temps de revenir il n'y avait plus de conversation. Évidemment il n'était jamais là à temps...

Déçu il s'installa près de la fontaine et lança son propre fil de discussion, quelques appâts mordèrent à l'hameçon, mais jamais assez longtemps pour établir une connexion. Dépité, il finit par rentrer, mais sur le chemin il entendit un appel au loin. Quelqu'un avait goûté son gâteau et lui donnait son avis, voilà qui le ravit. Il s'approcha pour le remercier. Son premier retour depuis qu'il l'avait partagé. Un inconnu s'intéressait à sa pâtisserie, quoi de mieux pour le motiver à parler ! Regonflé, il retourna près du lac qui l'avait effrayé, déterminé à s'imposer et à participer ! Une question avait été posée : Nommer des personnes qui vous aiment.

Le petit glaçon resta perplexe face à cette question, qui peut bien l'aimer ? Si la question avait été à l'envers, il aurait su se dépatouiller. Il savait qui il aimait et appréciait, mais ne se sentait pas d'affecter des intentions à ceux qui entouraient ses horizons. Le chocolat, le lait, le sucre et le pain d'épice l'aimaient-t-il ? Si oui comment le saurait-il ? Et sinon, serait-il présomptueux de sa part de penser ainsi ? Quoi de plus malaisant qu'une personne qui pensait recevoir de faux sentiments ? Gentil comme ils étaient, ils ne diraient pas non, mais au fond de lui il savait que ce serait à demi vrai.

Alors il resta là, observant et espérant qu'on le nommerai dans la conversation, qu'au moins une personne penserait être aimée de son petit cœur de glaçon. Mais non, "normal" lui dira-t-on. Après tout, lui non plus déclarait pas ses émotions.

Il finit par rentrer dans sa tour, des petites stalactites sur les joues. Il s'installa devant ses cheminées et les observa avec hésitation. Il avait envie de chaleur dans son petit cœur, mais à qui envoyer son étincelle ? À chaque fois c'est lui qui allumait le foyer et il était toujours le dernier à le nourrir. Était-il dérangeant ? Gênant ? Sûrement. Peut-être que s'il trouvait un très bon sujet... en espérant que cela permet de créer ce lien tant désiré. Il réfléchit, choisit et envoya sa flamme dans le foyer.

Les minutes défilèrent, une réponse arriva et la conversation commenca. Un sourire naquit sur le visage du petit glaçon près à tout pour maintenir cette discussion. Ravivant le foyer quand c'était son tour, mais de l'autre côté rien n'était alimenté. Un foyer se maintient à deux et seul il finit par décéder.

Attristé, il observa les flammes se consumer. Il devait être occupé, où s'était-il trompé de sujet ? Était-ce de sa faute s'il n'avait rien à raconter, si sa vie était insipide et glacée ? Était-ce de sa faute s'il était insipide et intimidé ? Et puis pourquoi se serait-il toujours à lui d'entretenir le foyer ?

Agacé, il observa avec mélancolie le début de chacune des discussions. Etait-il bon pour lui de s'attacher à ce foyer ? Et sinon, alors ce sera pareil pour toutes ses cheminées.

Face à ce triste constat il s'allongea, ruminant sur ses défauts qui le plongaient dans ce froid. Les jours suivants, il continua d'aller au village, seul moment de chaleur, cachant au mieux le froid mordant son cœur. Le soir se contentant d'observer ses cheminées gelées.

Mais après moultes semaines sans activité, une étincelle vint s'éveiller dans une de ses cheminées. Dans un des foyers, une petite flamme ne demandait qu'à être alimentée. Les larmes aux yeux et le sourire aux lèvres, il lui donna à manger. La flamme grandit à mesure que les échanges se faisaient et le cœur du petit glaçon fondait.

Une seule cheminée, un seul foyer, mais s'il était bien entretenu des deux côtés, cela pourrait donner la plus belle des amitiés.

NDA : merci à Tammy pour son aide sur la correction de se texte.

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