PARTIE 1
13h07.
Il est déjà trop tard... Trop tard pour sortir, trop tard pour déjeuner, mais trop tôt pour souper. Dîner? Je n'ai pas faim. Il est déjà trop tard, trop tard pour faire le ménage, ou même pour s'habiller. Il est déjà trop tard. Trop tard pour aller voir des amis, voire aller à l'école. Il est déjà trop tard pour se maquiller, ou même s'arranger l'apparence. Il est déjà trop tard pour commencer la journée.J'ai envie de me recoucher, de dormir et de ne pas me réveiller. Je pense que je me suis couché vers 5h00... peut-être 6h, je sais plus. J'ai le droit de dormir, non? C'est bon pour la santé après tout. J'ai peur qu'ils me chicanent encore là-dessus, pourtant ils m'encouragent à aller mieux, mais ce qui m'aide (quand je me permets de prendre soin de moi) ne leur convient pas. C'est pas comme si c'était mauvais pour la santé : C'est simplement dormir, mais j'imagine que c'est mon horaire qui leur dérange. Ça revient quand même toujours à être jamais assez... Ils, ils, ils et toujours ils. « Ils » c'est tout le monde. Le monde à blâmer. Le monde à mettre la faute sur, parce que je n'arrive jamais à prendre le blâme. Parce que je l'ai tellement pris qu'il est devenu poison, et que je refuse complètement aujourd'hui d'être blâmer. « Ils » c'est ma famille, mes proches, les gens qui me connaissent (ou même font semblant). Je veux et j'essaye pourtant seulement d'être la meilleure version de moi-même... constamment, mais ce n'est jamais assez pour eux.
Je parie que mon frère aura laissé de la vaisselle sur le comptoir, et ma mère va encore venir se plaindre que je n'ai pas ramassé derrière moi, comme s'il était parfait et que je n'en faisais jamais assez... Esti d'injustice.
13h12.
Il fait sombre dans ma chambre, comme à chaque réveil, mais ça me demande trop d'énergie de simplement me lever. Je parie que ma mère me fera encore un commentaire sur ma paresse justement. C'est toujours ainsi. Et entre deux coups de vent, les rideaux bougent : ça m'apporte assez de lumière à mon goût.Ma fenêtre est ouverte. J'entends les voitures passer dehors. Leurs sons remontent à mes oreilles comme des bruits de casseroles. Ça m'enrage. C'est justement ça qui m'a réveillé.
13h14.
Je m'étends pour attraper mon téléphone. Un message d'X et trois de Y. Ça ne m'étonnerait pas qu'ils se demandent où je suis... mais ce n'est pas comme si c'était nouveau que je m'absente. Je défile un peu plus bas et j'y vois un appel manqué... de ma mère. Ça me tente pas... Ça me tente pas d'écouter son message qui l'accompagne, je sais déjà ce qu'elle va me dire : me demander je suis où, pourquoi je suis pas à l'école. Je sais que c'est sa manière de s'inquiéter, mais esti que ça fait mal d'entendre la déception dans sa voix quand je lui dis la vérité. Je me suis mise à mentir pour arrêter de sentir la déception dans la voix des gens, de même je me dis que ça m'aidera, mais j'ai quand même toujours un esti de mauvais ressenti après : je leur ai mentis... au moins ils ne sont pas déçus de moi. Je soupire, parce qu'encore une fois, je suis tanné. Je viens à peine de me réveiller que le crachas de la vie me retombe dans face. La blague c'est que je fais tout pour m'aider, je sais juste pas ce qui me tue encore aujourd'hui... ou presque. C'est les détails. Le cégep. Les cours si longs que je m'endors, les heures de réveil tellement tôt que je suis plus capable de rester debout après 21h, les journées si longues que mes pieds tombent à la fin de la journée. Cependant, l'ironie c'est qu'une partie de moi veut pas que ça s'arrête... ça me tue, mais au moins ça m'occupe. L'affaire c'est que j'ai pas le droit d'arrêter, par contre - enfin, ma mère me dit que oui, mais « j'aurais pas d'avenir », et « j'aurais pas d'argent », et « je finirais à la rue », de quoi me remonter le moral. Et le plus gros dans tout ça, c'est encore entendre à ce jour la phrase : je te soutiens, mais... Me semble qu'il ne devrait pas avoir de « mais ». Encore du n'importe quoi. Encore une fois, je me sens mal.