Chapitre 15) Le messager des enfers

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L'armée grecque s'effondra presque aussitôt que la nouvelle fut portée du départ définitif de la flotte. Malgré le court repos dont ils avaient eu la jouissance, les hoplites au cours de cette longue marche et de leur ultime démonstration de force, avaient payé à crédit l'énergie nécessaire pour l'exécuter. Ils en subissaient maintenant les conséquences, en étant immobilisés sur place, vaincus par la fatigue.

Insatiable, celle-ci venait de passer maîtresse de toute la plaine.

Ils avaient faim. Ils étaient toujours trempés et empestaient la sueur, l'odeur du sang et de la mort attaquaient leur narine, quant la poussière et le sable qui recouvraient leur gorge et leurs langues, les plongeaient dans une soif atroce. Mais rien de tout cela n'était comparable à la fatigue, à l'épuisement total, aussi bien physique que morale de leur corps.

Ils avaient gagné.

Certains accusèrent le coup, d'autre encore préférèrent éviter de simplement admettre cette pensée, mais la majorité la virent trotter dans leur tête, encore et encore, comme une mélopée divine s'incrustant au plus profond de leur être.

Ils avaient gagné.

Et maintenant ?

Thémistocle vint rejoindre Miltiade qui observait au loin les voiles perses faire demi-tour et mettre le cap vers le large, il semblait encore pensif, le regard dur, comme si lui aussi refusait maintenant d'admettre ce qui pourtant se présentait devant ses yeux comme une évidence

Il avait gagné.

Les Perses, Hippias, les traîtres, la cavalerie et les archers, tous faisaient maintenant demi-tour, et lui Miltiade les avait triomphalement conduits à la victoire en cette seule journée, contre un ennemi qui alignait près de cinq fois leurs effectifs sur le champ de bataille.

Aussi Thémistocle se joignant à lui ne put s'empêcher de le questionner.

- Est-ce la victoire qui te rend si soucieux Miltiade ? Il est pourtant bon de parfois savoir savourer son triomphe. Si tu en doutes, regarde par toi-même l'horizon ! Et si tu hésites encore à le croire, j'ai près de 10 000 témoins assis là-derrière qui en répondront ! Thémistocle désigna les voiles au loin qui continuaient leur descente par-delà l'horizon. La victoire est notre ! Le stratège ne put s'empêcher de sourire à sa propre formule. Une chance que nous n'ayons jamais tous cédés au désespoir en même temps dans cette affaire, il y en a toujours eu un pour redresser la barre... Bien que celui-ci fut souvent toi Miltiade.

Miltiade ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son ne sortit de ses lèvres, son regard toujours plongé vers l'horizon. Alors Thémistocle à son tour tourna le regard et contempla de nouveau la mer et son immensité, songeant au potentiel que celle-ci avait à offrir, mais il n'en dit rien.

- Non pas que je veuille te faire des reproches, mais les hommes, tout Athènes se porteraient mieux si elle voyait son commandant afficher une mine un peu plus souriante, je ne t'apprendrai rien quant à l'importance de la présentation, de la forme, parfois même encore plus capitale que le fond...

Cette fois la phrase fit réagir Miltiade, le tirant de sa contemplation.

- Oui tu as raison. Victoire il y a Thémistocle, et nous ne démordons pas de l'avoir bravement obtenu, les dieux en soit loués, Athéna veille encore sur nous tous. Mais ceux qui repartent se considèrent probablement aussi comme victorieux, et leur butin en plus de cette guerre leur aura donné soif pour davantage de sang.

- En effet, des temps sombres sont à attendre en perspective, mais en une journée nous avons fait reculer ces temps sombres, d'heures en années. C'est plus que ce que l'on pouvait espérer, et c'est bien plus que ce que nous espérions lorsque nous avons franchi les portes d'Athènes, lui rappela-t-il prudemment.

A la grande gloire des guerres médiques: marathonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant