L'Aria de Jean Sébastien Bach

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Toutes les vies sont des arias. Celles qui ont été, celles qui sont, celles qui seront, ce sont toutes des arias. Une petite mélodie, seule, abandonnée dans le grand et glorieux air du temps, perdue parmi tant d'autres. Parfois seule, souvent accompagnée, souvent sans le savoir.

Certaines s'efforcent de jouer plus fort, plus haut que les autres, mais finissent par s'essouffler et retombent encore plus vite dans l'oubli. D'autres, humbles, soutiennent le mouvement, mais si bas qu'elles ne parviennent jamais à faire entendre leur petite voix. La plupart se contentent de se laisser mollement entraîner par le courant, sans aucun but qui leur soit propre. Ceux-là, malgré qu'ils soient les plus nombreux, sont déjà tombés dans l'oubli depuis le jour où ils sont nés.

Quel sort est le plus enviable ? Quel destin ? Ce mot reflète à lui seul l'importance que tous ces airs, si semblables, si différents mais pourtant tous si terriblement insignifiants, essayent de se donner tout au long de leur courte vie. Ce combat vain et perpétuel est sempiternellement attristant, quoique cela donne, j'en conviens, un côté irrésistiblement touchant à ces petits êtres si convaincus de leur grandeur.

Je dois avouer qu'il me plaît de tendre l'oreille à leurs douces simagrées. Le grand théâtre qui les abrite leur confère une merveilleuse acoustique. Cela explique sans doute pourquoi c'est l'un de ceux que je préfère. Il offre une vue admirable sur cette éternelle tragédie.

Tous ces airs, ces arias, à chaque fois que je les entends, me saisissent au cœur. C'est une mélodie poignante, une sorte d'ostinato qui varie sensiblement au fur et à mesure de son lent développement. Il n'en existe aucune qui ait une telle force ; aucune à part elle, la seule qui puisse arracher une larme traîtresse aux yeux de Dieu.  


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