42 | La tentation de croire

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CALEB

J+ 5

21h00

Hôtel particulier de la Famille Wolff, Florence, Italie


Le billet était clair. « Soirée de bienfaisance organisée par Wolff Immobiliare pour les Roses de Rome. Venez assister à la renaissance de la Famille Spinam ». Le tout dans le plus bel hôtel particulier de la ville, avec les femmes et les hommes les plus puissants d'Italie, sous les auspices d'une nuit sans fin. 

Il est vingt-et-une heures pile quand le chauffeur nous dépose devant l'imposante façade de la salle de réception. Les fenêtres brillent d'une lueur éthérée et d'innombrables lampadaires sont installés dans l'allée, diffusant une douce lumière dans la nuit chaude qui commence. Des dizaines de paires d'escarpins et de jambes nues s'engagent sur un escalier taillé dans la pierre comme ceux des châteaux français et des centaines de pantalons de costumes et de cravates gravissent quatre à quatre les marches d'un tapis rouge carmin comme le sang. 

Tous se précipitent vers l'intérieur, pressé d'assister à la soirée de l'année, d'enrichir sur des œuvres hors de prix ou de dépenser sans compter. Avide de rencontrée la ressuscitée Rosalia Spinam. 

Grimaldi sort le premier. Il enjambe le rebord de la voiture avec une agilité que sa carrure imposante ne devrait pas lui conférer. Je l'observe lisser la veste de son costume hors de prix en scrutant les moindres détails du parvis. Ses yeux reflètent son dégout. Il ne se doutait pas que tant de gens se rendraient ici à Florence pour le simple fait de découvrir la fille de son pire ennemi. 

Je nous pousse avec Emi en dehors de la voiture trop chère pour ce qu'elle est et il bougonne avant de me jeter un regard noir. Je lève les mains en l'air mais ses yeux continuent de m'assassiner parce que j'ai malencontreusement décoiffé ses cheveux disciplinés à coup d'efforts trop intenses. Je referme le bouton de ma veste de costume et continue de faire mine de rien même si la petite mèche qui s'est échappée de sa tignasse est hilarante à voir. 

— Tu veux te faire beau pour qui au juste ? ne parviens-je pas à retenir de lui lancer quand je passe à sa hauteur pour rejoindre Donato au pied des marches. 

Je sais pertinemment à qui il pense sans même avoir à le regarder. J'arrête de plaisanter quand mon père se tourne vers moi et que le lion sur sa joue me met silencieusement en garde. Ce n'est plus le moment de rire car c'est enfin l'heure de se venger et de condamner cette fête de renaissance au chaos d'un enterrement. Rosalia ne doit avoir aucune chance de s'accaparer quelque chose que Grimaldi Il Leone ne veut que pour lui : la crainte d'un pays tout entier prêt à lui lécher les bottes. 

— Où est mon Beretta ? 

Sa voix est comme un poison, s'insinuant dans mes veines et ramenant à la vie des souvenirs que je veux oublier. Je ne veux pas me sentir immoral quand le fruit de nos manigances éclatera. Je ne veux pas me souvenir de mon père, du rire de Rose, de la gentillesse de Cece, du calme d'Hayden, de la fougue de Julia ou de la bienveillance d'Alex. Je veux être en paix avec moi-même le temps de cette soirée alors je soutiens le regard de Donato aussi longtemps qu'il en faut à ce connard de toutou pour ramener l'arme de son chef.

— On aurait dû venir avec des mitraillettes et des bombes. Tuer tout le monde et se casser.

Bordel, pourquoi ce connard d'Arturo nous accompagne-t-il ? Grimaldi lui répond sans me quitter une seule seconde des yeux :

— Nous ne sommes pas comme ces barbares au Mexique. En Italie, on se venge avec classe et élégance et on décapite son ennemi dans un costume hors de prix, un cigare tout aussi cher dans la main.

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant