Les Loups Maudits - Tome 1 : La Flèche Fatale

Jour 7

- Le jour se lève sans Pyrit qui était Pyromane.

Ambre s'en doutait, Kornalyne était retournée espionner les Loups-Garous et leur avait annoncé la mort du golden retriever. Mais que faisaient la Sorcière et le Salvateur ? La fin se rapprochait à grands pas et ils n'utilisaient même pas correctement leurs rôles ! L'issue était de plus en plus serrée, les enjeux devenaient énormes et la tension menaçait d'éclater dans l'air lourd et hostile.

- Je connais un Loup, annonça Kyanit.

- Ah oui ? Et qui donc ? le défia Jade.

Incapable de répondre, le berger australien craqua. Toute cette pression était trop épuisante à supporter, d'abord sa sœur, puis son frère, son amie et maintenant son compagnon de toujours. Il s'écroula au sol et expulsa toute sa rage par un cri si primitif, si animal, que même les fantômes sentirent les frissons de l'énergie vibrant dans l'atmosphère. Le hurlement s'éleva dans l'air, haut et clair, touchant les nuages tristement pointés au-dessus de leurs têtes. Il hurla l'injustice au soleil, hurla la colère aux nuages, hurla sa peine à la lune, hurla la peur aux étoiles.

- POURQUOI ? POURQUOI ? POURQUOI ? POURQUOI CA ?...

- Complètement fêlé, ricana Agathe à l'oreille d'Ambre. Je me demande pourquoi on l'a pas encore tué. Il est fou.

La Gardienne se jeta sur l'autre chienne, enragée. Elle n'avait pas le droit de traiter son frère comme ça ! Le sang inexistant battait à ses tempes, la rage brouillait sa vue, ses griffes enserraient la gorge de celle qui avait osé insulter son frère. Elle voulait griffer, mordre, déchiqueter la chair, sentir l'odeur métallique du sang chaud dans sa gueule, voir le liquide carmin suinter pour maculer ses griffes, humer l'odeur immonde de la peur, entendre sa victime crier et la supplier sous la torture, jusqu'à en perdre la tête. Elle leva la patte, ses griffes fantomatiques bougeant si vite qu'on aurait dit du vent à l'état solide.

- Ambre !

Elle cligna des yeux et se tourna vers Quartz. Celui-ci, épouvanté, regardait tour à tour sa compagne et Agathe, une lueur paniquée dans le regard.

Ambre hoqueta et recula précipitamment, horrifiée par ce qu'elle avait failli faire. Pendant un court instant, elle avait brûlé de tuer la chienne brune et blanche dans les plus horribles souffrances possibles. Que se passait-il ? Que lui arrivait-il ? Elle qui avait toujours détesté tuer lorsque ce n'était pas nécessaire, elle avait souhaité torturer jusqu'à ce que la mort s'ensuive !

Agathe se releva péniblement, une expression méprisante plaquée sur son visage. Elle cracha à l'intention de la Gardienne :

- Tu ne peux pas me tuer, je suis morte. Tu veux me blesser ? Je n'ai plus de chair. Tu veux me vider de mon sang ? Je n'en ai plus dans les veines. Tu veux m'entendre avoir mal ? Mes sens sont anesthésiés. Nous ne sommes que des enveloppes dotées d'une empreinte de notre âme.

Ambre, flottant entre l'horreur, la peur et la haine, choisit de montrer férocement les crocs à son ennemie qui tourna les talons.

- Enfin, Ambre qu'est-ce qui t'as pris ? Ambre... tu me fais peur, ajouta-t-il en voyant le regard noir de sa compagne.

Celle-ci l'ignora et reporta son attention sur la Combe où les vivants discutaient, sans se douter du drame qui avait été évité de justesse. Elle tenta de suivre les débats tout en faisant abstraction des pensées morbides qui palpitaient sous son crâne, mais les sons étaient lointains, la vue déformée, comme si elle avait plongé sa tête dans un rivière qui distordait ses sens.

Cette rivière, elle peinait à y refaire surface, s'enfonçant toujours plus loin dans les méandres boueux de l'eau tumultueuse. Alors qu'elle sombrait, elle aperçut son sauveur, celui qui avait sauté à l'eau sans hésiter pour lui tendre une bouée de sauvetage. Il lui tendait, elle n'avait qu'à s'y accrocher, mais voulait-elle vraiment revenir ? Se noyer n'était pas pire que de vivre en étant mort, non ?