1. Le premier jour du reste de ma carrière

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Le tapotement régulier de ses ongles s'interrompt un instant et je retiens mon souffle, son expression reste figée dans un mélange d'indifférence, de lassitude et de botox

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Le tapotement régulier de ses ongles s'interrompt un instant et je retiens mon souffle, son expression reste figée dans un mélange d'indifférence, de lassitude et de botox. Sa bouche, légèrement entrouverte dans une moue sensuelle et snob, me donne l'impression qu'elle s'ennuie suffisamment pour penser à prendre la pose.

Cela fait 5 minutes et 38 secondes que je me tiens devant Yulia, 5 minutes et 38 secondes de silence, l'énervant bruit de sa manucure sur la coque de son téléphone mis à part.

— Hmm. Ah. C'est bon, finit-elle par lâcher alors que je frôle l'apoplexie.

Elle se remet en mouvement, fait rebondir ses souples boucles dorées en étirant sa nuque, comme si elle se réveillait d'une microsieste réparatrice ou que quelqu'un avait enfin appuyé sur le bouton « Play ».

— Mon embauche est validée ? reformulé-je, excitée.

— Oui. Les actionnaires et le codir n'y semblent pas défavorables, répond-elle avec lassitude, inconsciente de la fanfare et des trompettes qui entament un air victorieux dans mon cerveau.

Elle lève un doigt griffu et ajoute avec son faux accent russe :

— Il reste des détails à finaliser. Voyez cela avec Vincent.

Qu'a-t-elle dit après « oui » ? Je ne peux pas l'affirmer, mais ma joie est telle que je m'apprête à l'enlacer. Je me reprends à temps et je la salue avec une petite révérence, prise au dépourvu. Je ne m'étais pas préparée à prendre congé sur une note positive. Je recule jusqu'à la porte en souriant bêtement. Mais elle ne me regarde déjà plus, de nouveau happée par son écran et la courbe d'une mèche.



Je traverse le couloir en direction du bureau d'Élise dans un pas chassé incontrôlé. À mon approche, mon amie et collègue lève la tête de son PC, engin bardé de stickers multicolores, attendant le verdict. Elle comprend en voyant mon sourire béat. Après un saut sur ses deux pieds, elle m'étreint et entame une danse de la victoire — un adroit moulinet des bras et des hanches — que je rejoins avec moins de grâce.

— Oh mon lapin ! Je le savais ! s'exclame-t-elle, je le savais. Tu es la meilleure !

Élise et moi nous sommes rencontrées lors de mon premier jour chez Perceptive : un coup de foudre amical. Elle appartient à cette espèce qui réchauffe tout autour d'elle par son rire communicatif, sa voix sensuelle, son attitude tactile ou encore par ses courbes accueillantes.


À l'heure du déjeuner, les filles s'esclaffent dans la salle de pause pendant que je corrige ma dernière pige en tant que stagiaire. Je sens la pression qui s'installe face à mes nouvelles responsabilités, même si j'ai rêvé de ce moment depuis le début de mon stage. Ma concentration est cependant mise à rude épreuve, car, Élise imite Yulia quand elle se prend en selfie, Paula, de la rubrique sport, en postillonne son taboulé de boulgour végan et Li-Wei, la journaliste culture, tape sur la table, les larmes aux yeux.

Celles Qu'on Aurait ÉtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant