4 - Maladroite

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Lisa de Maestriani

- Alors, ton date ?

- Ne m'en parle pas, je réponds en m'installant sur la banquette du Marius, le café jouxtant l'opéra d'Oslo.

- Ça s'est mal passé ?

- Ça ne s'est pas passé du tout ! je m'exclame en mettant du sucre dans mon cappuccino.

- Il t'a posé un lapin ? me demande Clarisse, ma répétitrice qui est aussi et surtout, ma meilleure amie.

- Non, pire que ça. Je me suis rendue compte qu'il est connu, très connu en Norvège. Quand je lui ai fait savoir que ça me dérangeait, tu sais ce qu'il m'a répondu ? « Bon vent ! »

- Mais quel salaud ! Il t'a vraiment dit ça ?

- Mot pour mot, j'affirme avant de prendre une gorgée de mon café.

- Mais enfin ! Quel grossier personnage. Pourquoi t'inviter si c'est pour te rejeter après ?

- Je ne sais pas. Il a dû changer d'avis. Ou m'imaginer plus jolie. Quand on s'est rencontrés, c'était dans l'obscurité.

Clarisse esquisse un geste de la main, comme pour chasser une mouche, mais la seule chose qu'elle chasse, ce sont mes paroles. Clarisse m'affirme toujours que ce qu'on dit, le cerveau l'entend et le retient. C'est du subliminal, ma chérie, elle me dit souvent avec son accent brésilien. C'est pour cette raison qu'elle refuse que je parle de la sorte. Pourtant, je ne fais qu'énoncer une hypothèse.

- Ne dis pas de bêtises. Tu t'es vue ? Non, ce n'est définitivement pas ton physique qui l'a repoussé.

- Elle a raison, votre amie, dit l'homme assis à la table d'à côté. Difficile d'imaginer plus jolie !

Je souris sincèrement tandis que ma copine m'adresse un clin d'oeil.

- Quand je te le dis, tu ne me crois pas !

- Bon, alors je ne sais pas ce qui lui a pris.

- Bien. Redécris-moi toute la scène, allez.

Je soupire et tourne nerveusement la petite cuillère dans ma tasse.

- Je l'attendais devant le café. Il m'a demandé pardon pour passer, je me suis retournée et il ne m'a pas reconnue tout de suite. Je l'ai salué, il m'a saluée en retour et puis il a pris ses béquilles et il s'est dirigé vers l'entrée. Là, j'ai réalisé que c'était...

Je me penche vers elle et chuchote:

- Le prince Ivar, le dernier fils du roi de Norvège.

- Vraiment ? Ouah, mais comment tu l'as su ?

- Eh bien, je l'ai rencontré le jour où sa famille est venue visiter le théâtre. Et puis j'ai entendu dire que le plus jeune prince était infirme. De là, j'ai fait le lien.

- Continue, elle me presse en secouant les mains.

- Ben là, j'étais surprise. Il s'est retourné parce que je le suivais pas et c'est là qu'il m'a demandé si ça me dérangeait.

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