la rivière et la forêt

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Le vent doux du mois de mai parcourt mon corps. Sa fraicheur fait frissonner ma peau presque entièrement découverte. Je sens sous mes mains la terre et l'herbe mouillée par l'humidité de la forêt. Un silence apaisant m'entoure, me berce dans le pays des songes. J'aperçois à travers mes yeux clos la lumière orangée du soleil se couchant à travers les branches des pins. Leurs odeurs emplissent mes poumons, cela change de la pollution de la ville. Mes pieds nus s'enfoncent un peu plus dans la mousse du sol. En étant allongé ainsi au milieu des bois, sans personne autours de moi, je pars. Je quitte le monde tel qu'on le connait, je quitte mon corps, ma vie et tout ce qui existe. De temps en temps un oiseaux se pose sur une branche et me regarde d'un aire étonné. La seule encombre dans ce décors parfait, la seule présence qui peut paraitre de trop, c'est moi. Je regarde cet oiseaux curieux et je lui souris, je suis habitué à être regardé étrangement, à ce que les gens se demande ce que je fais là, à être cette chose bizarre que personne ne comprend. Le vent continue de caresser chaque parcelle de ma chaire découverte. Je me sens calme. Qu'il me touche ainsi me fait ressentir que je suis en vie.

Être en vie, c'est une chose que j'ai regretté souvent, sans trop savoir pourquoi. Qu'est ce qui pouvait animer à ce point mon envie de fuir et disparaitre, de me faire le plus invisible possible ? en réfléchissant je ne trouve pas d'issue claire à cette idée. Ça n'a pas toujours été ainsi. Je me suis toujours évadé, déjà petit. Lorsque je quittais la maison pour m'allonger dans le champs penché d'à côtés, quand je partais marcher des heures dans cette rivière. Ce grand ruisseaux de montagne qui se jette dans l'Ubaye, je l'ai parcouru des centaines de fois. Pourtant il me semble différents à chaque fois. Peut-être parce que je grandis un peu plus à chaque fois que je m'y rends, que le temps change d'un jour à l'autre, et que mon esprit se perd de plus en plus dans toutes mes questions.

Je suis en primaire la première fois que je trempe mes pieds dans son eau glacial. A ce moment là rien n'existe à part mon petit groupe d'amis et mon irréductible envie de rencontrer un vrai dragon. Je marche à contrecourant, je saute de pierre en pierre, les pieds brulés par ces roches chauffées par le soleil d'été. Je cours, tombe dans la terre noir et me relève, les vêtements salis. Je monte aux arbres même si je sais pertinemment qu'ils ne sont pas solides. Je suis insouciant, je suis insouciante. Je chante à pleins poumons, je ris, je me perds, je pleure. Ma mère s'inquiète de m'entendre parler seul en jouant différents personnages. Je tourne en rond dans mon jardin et pourtant je parcours le monde, je passe de fille à garçon, j'invente toutes sortes d'histoire. Mon père ne remarque pas que je lui empreinte ses habits.

Je suis trempé, la pluie me force à me lever et rentrer chez moi. Pourtant j'aime la pluie, elle cache les larmes sur mes joues et me permet de sourire de toutes mes dents. Je suis toujours sorti danser sous la pluie. Je rentrais trempé et ma mère me criait dessus alors je montais dans ma chambre et j'écrivais. Je partais dans cette forêt, quelquefois je quittais la terre pour visiter l'univers, je tombais amoureux, je tombais amoureuse.


Je me lève malgré mon envie de faire part entière de cette foret. L'oiseau est parti. Alors je pars aussi. Il fait nuit et je n'ai aucune idée de l'heure. J'avance tout seul dans le noir, mon cœur connait le chemin alors je le suis. Tout en rentrant, mon esprit s'égare. « Tu peux tout me faire sauf ça, je ne le supporterais pas ». Ma mère. On ne s'est pas toujours disputé, notre rapport à changé depuis mon entrée au collège. Cette phrase me hante, comme toutes les choses horrible qu'on a pu se dire. Je suis en sixième et tout s'effondre, mes amis disparaissent et les dragons n'existent pas. J'aime une fille, je l'aime vraiment. Mais tout le monde s'éloigne de moi, je ne devrais pas l'aimer. Je suis une fille. Je suis perdu. Je ne devrais peut-plus me déguiser en garçon. Pourtant j'adore ça, mais le regard des autres pèse sur moi. Je n'ai pas les épaules pour le supporter. Je m'effémine, je porte des robes, des boucles d'oreille, je me maquille chez mes copines. Mais je suis de plus en plus mal. J'ai l'impression que chaque jours qui passe je me trompe de chemin. Je me force à être comme ce que les autres attendent de moi. Et je souffre. Chacun de mes efforts n'ont d'effets que de m'enfoncer un peu plus. Les filles m'insultent, elles me frappent. Ce sont mes amis alors j'encaisse. Elles me jugent, rient de moi, ce n'est pas important elles m'aiment. Elles ne répondent pas à mes messages, ne m'invitent plus, elles parlent dans mon dos. Qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai de plus en plus peur, de plus en plus mal, mais je ne dirais rien. Ce sont mes amies. Mais pourquoi mes amies font subir à présent la même chose à mon premier petit copain, ce garçon qu'elles détestaient tant. Je dois le quitter, je ne le veux pas, mais je dois le faire.

Je suis en cinquième, et je ne mange presque plus. Mes amies sont très fines, je dois leur ressembler. Je suis très fatigué, je n'ai plus de force, mes parents ne comprennent pas. Ma mère me hurle dessus, je pars. Je retrouve le ruisseau et je m'allonge dans l'eau habillé. L'eau dans mes oreilles cache tous les bruits. Tous, sauf ces bruits incessants que font mes pensées. Je veux disparaitre. Je veux disparaitre. Je veux disparaitre. C'est en rentrant dans ma chambre ce soir là que ça a commencé. Je me suis enfermé dans ma chambre, mon visage ne laissait paraitre aucunes émotions. J'ai dis à mes parents que je n'avais pas faim, que j'allais me coucher. Je me suis assis devant mon bureau, les larmes que je refusais de faire couler troublaient ma vision. Seule la lune laissait paraitre de la lumière par mes fenêtres. Alors les mains tremblantes, je saisis ce que j'appelais pendant des années « ma liberté ». Un trait, le premier, le trait le plus douloureux mais celui qui, pour la première fois, a fait taire mon esprit. Alors j'ai continué, encore, encore, encore, encore, et encore. Seul dans ma chambre, plongé dans le noir, assis à mon bureau, je regardais mon bras. Le sang était encore frais. C'est à ce moment-là que j'ai réellement perdu pied. Je commençais à me noyer.

La pluie c'est arrêté, les nuages se sont dissipés, la lune m'éclaire. Je suis sorti de la foret, il ne me reste plus qu'à traverser la rivière. Je regarde mon bras, les premières marques sont discrètes mais ne partirons probablement jamais. Je regrette d'avoir dû passer par là. Aujourd'hui je souris.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 09, 2022 ⏰

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