Les oiseaux-dieux

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Le froid me ronge les joues,

La peur me broie les tripes.

Recroquevillé dans un fossé creusé,

Je me tapis tant et si bien que je ne fais qu'un avec la terre boueuse.

...

Levant la tête vers une flopée de corbeaux qui croassent dans le ciel crépusculaire,

Je peux presque entendre, en me concentrant,

Le message porté par le vent que m'annoncent leurs battements d'ailes.

...

Alors, j'écris, pour me donner bonne conscience,

Ce que les générations futures prendront comme mes mémoires.

J'écris,

À l'encre noir sur papier blanc,

Symboles de la noirceur que la guerre a causée sur mon âme autrefois pure.

...

Il est trop tard pour espérer me voir pousser des ailes,

Et m'envoler,

Au loin,

À l'abri de cette misère ;

Car s'il est une chose que j'ai comprise,

C'est que les oiseaux sont les véritables dieux de ce monde.

...

Me perdant dans mes pensées,

Je me revois, enfant,

Franchir les portes de mon jardin secret.

Je m'allonge dans l'herbe fraîche,

À l'ombre d'un tilleul tricentenaire ;

Et je contemple,

De mes yeux pétillants d'innocence,

Ces hirondelles faire la course à tire d'aile dans le ciel bleu.

...

Je me revois, adolescent,

Ajouter à mon jardin secret la plus belle des merveilles.

Mais alors que je tenais sa main délicate,

Je ne prenais pas garde à ces pies qui nous observaient,

Bien en retrait,

Et qui, de leur nature possesive et voleuse,

Ont volé à mon cœur la richesse dont il était si fier.

...

Je me revois, jeune adulte,

Maudir ces rapaces qui m'ont tout pris ;

Et ces aigles royaux, qui arrivent soudain,

Avec leurs beaux discours,

Qui m'ordonnent de me battre.

...

Et puis,

Rouvrant les yeux sur la réalité,

Je me revois maintenant,

Humain impuissant,

Pleurer ces colombes de paix qui sont encore loin derrière.

...

Hanté par les corbeaux qui se rapprochent et me croassent à l'oreille,

Je décide de lever mon arme,

Tremblant de peur,

Pour aller rejoindre ces oiseaux qu'on appelle les anges;

Car, de toute les espèces vivantes,

J'ai fini par comprendre que les oiseaux sont les véritables dieux de ce monde.

Ainsi va la vie...    ( Recueil de poèmes)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant