Surtout reste beau

Nouveau jouet

C'était un homme plutôt grand, dans les débuts de la vingtaine, habillé d'un sweat marron foncé et d'un jean noir. Il avait les cheveux blonds, presque blancs, avec les pointes teintes en noir. Ses mèches de devant étaient lâchées de deux côtés de son visage, courtes et aléatoires. Le reste de sa chevelure coulait vers la nuque, lisses et mal coiffées. Son teint était d'une pâleur que le comte, même en qualité de vampire, n'avait jamais vue auparavant. Cette pâleur faisait ressortir tous les détails du visage de l'inconnu, ses yeux verts mordoré, son grain de beauté sur la pommette droite, ses cernes dessinées et ses joues creusées.

Une beauté négligée, mais infiniment attirante pour Vladislav. Il eut l'impression de ne jamais avoir pu imaginer de lui même un physique si parfait. Sa négligence le rendait beau au possible, sa pâleur lui donnait des traits angéliques et Vladislav, immédiatement, ressenti le besoin de le posséder.

Ça ne pouvait pas être un humain. Mais rien ne lui donnait d'indice sur la nature de cet homme.

Hazel posa reflexivement son regard sur le comte. Vladislav se fit la réflexion intérieure que lui aussi avait dû sentir son sang surnaturel, et s'amusa de la situation. Il se sentait comme un prédateur et sa proie.

- Vladislav Esgreaves.

Dit-il en se levant du fauteuil, tendant la main au nouvel arrivant. Son sourire était franc, faussement tendre, dissimulant son amusement.

Hazel fit quelques pas en sa direction pour accepter la poignée de main, baissa reflexivement le regard sur les ongles de ce dénommé Vladislav, drôlement manucuré, puis sur sa jupe avant d'enfin croiser ses yeux.

- Hazel Kleth.

Répondit-il en serrant sa main, fermement, sans esquisser le moindre sourire.

- Enchanté.

Ajouta Vladislav qui déserra en premier l'étreinte de leurs mains, reculant la sienne doucement, dans une manœuvre caressante qui n'échappa pas à Hazel. Expressif, son étonnement fut trahit par son froncement de sourcils suspicieux. Mais il n'osa rien ajouter, parce que ses parents étaient dans la pièce. Il prolongea leur échange de regard une seconde de plus, leva brièvement les yeux sur Yugo puis prit place sur l'un des fauteuils à côté de Madame Kleth.

Vladislav se rassit, défroissa sa jupe par habitude et pu commencer son discours :

- Comme vous le savez, ma tante Aya souffrait depuis quelques temps de sa maladie. Elle a rendu son dernier souffle dans la nuit. L'enterrement se fera dans la sphère familiale et privée mais je parle en son nom en vous invitant ce soir à honorer sa mémoire dans une cérémonie d'adieu.

Monsieur Kleth, inconsistant, n'avait presque pas changé d'expression et avait juste hoché la tête. Sa femme, théâtrale comme elle était, avait porté la main à sa bouche. Hazel, lui, n'avait pas l'air de se sentir concerné et Vladislav pouvait sentir son regard l'analyser.

- Toutes nos condoléances. On sera présents.

Dit-elle seulement, sans quitter son expression exagérée.

- Je vous fais confiance. La cérémonie commence à 21 heures. Mais si vous le voulez bien, Hazel, venez un peu plus tôt que je puisse vous faire visiter. Ma tante serait certainement heureuse de savoir que j'ai fais une connaissance de mon âge.

Ajouta le jeune comte.
Cela confirma tous les doutes de Hazel sur Vladislav ; cet extravagant lui donnait mauvaise impression. Tout en lui respirait le danger derrière ses bouclettes parfaites et son sourire enjôleur. Mais avait-il seulement le droit de refuser ?
Il avait remarqué que sa mère admirait stupidement ce comte Esgreaves, et elle saurait comment le punir de lui avoir fait honte devant lui. Il l'a sentait déjà se tendre à côté de lui. Hazel se sentait piégé.

- Je ferais de mon possible pour être là.

Avait-il pu murmurer. Ce n'était pas assez clair pour être un oui, et pas assez clair pour être un non. Sa mère pourrait donc décider à sa place une fois le Comte partit. Il était sûr, comme cela, de n'avoir aucune mauvaise retombée.

Vladislav hocha la tête, satisfait de cette réponse. Il adorait sentir qu'il lui résistait.

- C'est entendu. Prenez le temps qu'il vous faut pour vous décider, je serai sur place quoi qu'il arrive. En vous souhaitant de bien vous rétablir de la nouvelle Monsieur et Madame Kleth, et à ce soir.

Le "à ce soir" fut volontairement ajouté en croisant le regard de Hazel, qui sembla se tendre plus encore pour le plus grand amusement du richissime héritier.

Vladislav se releva. Madame Kleth tenu à le raccompagner jusqu'à la porte du salon en lui posant une main dans le bas du dos, lui souhaitant de toutes les manières possibles de bien se remettre du deuil de sa tante.

*******

Quelques secondes plus tard, les deux hommes retrouvèrent leur voiture. Vladislav qui jusque là avait perdu son sourire de façade une fois la porte des amis de Aya fermée, n'avait pas réussi à perdre sa mine joyeuse même une fois dans la voiture. Yugo, lui, restait neutre, mais d'une manière moins douce que d'habitude, comme s'il était encore tendu. Il démarra la voiture et à peine engagé dans l'allée, Vladislav lança depuis le siège arrière :

- Il y a quelque chose que tu voudrais me dire Yugo?

- J'ai aussi senti l'odeur de ce garçon.

Répondit-il, connaissant assez Vladislav pour savoir ce qu'il voulait entendre.
Intéressé par la conversation et d'une façon enfantine, Vladislav mit sa tête entre les deux sièges de devant pour se rapprocher de Yugo.

- C'était évident. Je n'ai jamais senti ça. Aya le savait. Les Kleth sont chiants à mourir, mais Aya a tenu à ce que je les rencontre pour leur "petite pointe d'exotisme". Ça peut être que ça. Tu trouves pas ça bizarre qu'on en ai jamais entendu parler, puis l'air qu'ont prit les deux cons quand ils ont dû me présenter Hazel? Aucun de ces trois là est tout blanc, qu'on m'ampute de mes boucles si j'ai tort.

Yugo hocha la tête, parce qu'il avait lui même eu ce chemin de pensée. Mais il était prit d'un mauvais pressentiment. Son maître était trop enjoué, et ça avait toujours mené à des problèmes.
Tout le reste du trajet, Vladislav lui raconta énergiquement comment est-ce qu'il se préparait pour la cérémonie, plus enjoué de revoir Hazel que d'honorer la mémoire de sa défunte tante.