Chapitre 5

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La mauvaise humeur des français ne m'avait pas manqué. Pas plus que la pollution qui chargeait l'air de la ville. Je traversai le parvis de la gare affublée de mon sac à dos, et tentai de fendre la foule.

-          Charlotte !

Mon ami était là. J'avais fini par craquer sous le poids de ses nombreux messages m'incitant à rejoindre la mère patrie. Il s'était évidemment empressé de régler les détails de mon retour. La seule condition que j'avais imposée, était de loger dans un hôtel plutôt que chez lui. J'allais avoir besoin de calme et de solitude pour assimiler ce retour, et je ne voulais pas me retrouver entre Sam et Alice, et briser leur harmonie.

Je bougonnai un bonjour mal à l'aise, et examinai les alentours. Rien n'avas changé, et pourtant, tout me paraissait changé, étranger. La gare était trop grande, le parvis trop étalé, la ville trop empierrée. Les gens marchaient trop vite, ils ne prenaient même pas le temps de regarder le bout de leur nez. Je les voyais s'affairer, courir, rire fort. Les voix, les cris, la musique, tout résonnait autour de moi.

Le vacarme et l'agitation m'étouffait déjà, alors que je n'avais passé quelques minutes dans l'ambiance qui rythmait autrefois mon quotidien. Jamais je ne tiendrais une semaine. Où donc allai-je pouvoir respirer ? Où me poser pour regarder les montagnes ? La sensation de la neige fraiche me manquait. Les aboiements des chiens qui se roulaient dans la boue, leur écho se fracassant sur les arbres et la pierre, tout ce que j'avais quitté, le refuge que je m'étais créé, était maintenant loin derrière moi, et le sentiment de n'être qu'une petite fille perdue me frappait de plein fouet. Je n'avais plus aucun repère, même Sam ne m'apportait aucun réconfort.

Lui me souriait à pleines dents, sans doute convaincu que tout était derrière moi, et que j'allais reprendre ma vie d'avant sans encombre. Il m'offrit une accolade beaucoup trop longue et me prit mon sac avant que j'eus le temps de réagir.

-          On t'a pris un studio sur Airbnb avant que tu ne trouves un appart. C'est pas loin. Tu sais, tu peux toujours venir dormir chez nous ! Au pire, si ça te dérange, il y a chez les gars. Je sais que ça a mal commencé avec Alice, mais t'inquiète, quand tu vas commencer à la connaitre, tu vas l'adorer. D'ailleurs tout le monde l'adore.

Il avait commencé à s'éloigner, mais mes pieds refusaient d'avancer. Qu'est-ce que je faisais ici ? Pourquoi avoir accepté de revenir ? Je n'avais aucune attache au final. Certes, Sam était mon ami, mais rien de m'engageait à lui obéir. Et puis, sa vie à lui aussi avait changé. Tout avait changé, et je n'avais plus ma place parmi eux. L'avais-je déjà eu ?

-          Ben alors, tu viens ?

Sam s'était arrêté quelques mètres plus loin.

-          Je..., tenté-je.

Comment lui dire ? Non, je ne voulais pas le suivre. Je ne voulais pas faire un pas de plus ? Je voulais encore voir les autres, ou prendre un appartement ici.

J'avais l'impression de devoir me forcer à vivre une vie dont je ne voulais uniquement pour soulager la conscience de Sam. Et puis, j'avais honte de me pointer devant qui étaient mes amis, ceux que j'avais fui pour oublier. Le moment des retrouvailles allait être bien trop gênant. Peut-être qu'ils me repousseront. Je l'aurais ait à leur place.

Sam rebroussa chemin.

-          Charlotte ? Il y a un problème ?

Je levai les yeux vers lui.

-          C'est trop, Sam.

-          Qu'est ce qui est trop ?

-          Tout. Absolument tout. Les gens, la ville, les souvenirs... vous...

Il me regarda effaré. Mes yeux retrouvèrent le bitume pour ligne de mire.

-          Je suis désolée, vous vous êtes arrangés pour que je vienne, tout ça, mais... j'ai pas ma place ici.

-          Bien sûr que si tu as ta place ! Rien n'a changé !

-          Tout a changé.

Il posa ses mains de chaque côté de mes épaules.

-          Ecoute Charlotte, laisse toi le temps. Tout va bien se passer, tu es à la maison maintenant.

Je mordis ma lèvre involontairement. Ce que je m'apprêtai à dire me brisai le cœur.

-          Je n'ai pas envie d'être ici Sam.

Cette fois-ci, c'était clair. Il mit quelques minutes avant de me répondre froidement « on fait quoi maintenant ? », mais sa question resta sans réponse. Je n'arrivai plus à réfléchir dans ce brouhaha. Il laissa tomber mon sac avant de s'éloigner.

Étrangement, son départ ne me fit ni chaud, ni froid. J'étais donc seule, dans une ville qui me paraissait inconnue. Rester, ou ne pas rester ? J'étais venue jusque-là, j'avais quitté ma petite vie simple pour faire le voyage. Courir prendre le premier avion ? Même si je retournai à Alta, qui me dit qu'ils me reprendront ? Je les avais laissé tomber après tout. Rappeler Sam et faire semblant de rien ? Je n'en étais pas capable, je n'allais pas pouvoir prétendre être heureuse bien longtemps.

Je m'apprêtai à prendre mon sac par terre et je trouver une chambre d'hôtel pour la nuit, quand il se déroba sous ma main.

-          Viens.

Il était revenu me chercher.

Je le suivis en silence, honteuse de lui avoir faitautant de peine. J'étais égoïste, tellement de gens arrivaient à mettre de côtéleurs émotions, pourquoi n'étais-je que guidée par mon instinct primaire ?Il me semblait que ma compassion et ma sensibilité s'étaient envolés en mêmetemps que j'avais quitté le monde des humains. J'étais devenue d'une autreespèce.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 20, 2022 ⏰

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