Est-ce que ce moment était réel?
Hazel se sentait s'enfoncer dans un cauchemar. Sous le choc, son corps semblait s'être figé, l'obligeant à regarder la scène se dérouler devant ses yeux.
Il ne pouvait plus rien entendre, ses tympans bourdonnaient, recouvrant entièrement le fil de ses pensées. Seul son coeur lui était audible, et il battait à lui faire mal à la poitrine.
Et comme si cela ne suffisait pas, son regard horrifié croisa celui de Vladislav. Celui-ci lui accorda un sourire de satisfaction, de sadisme même, alors qu'il prit la deuxième bouchée de l'organe sans quitter ses yeux. Du sang lui coula le long du menton, ses mains, le tapis, son haut clair, tout était tâché de sang.
Vladislav mit fin au regard, baissant les yeux sur le cœur, ce qui libéra Hazel de sa paralysie. À nouveau conscient, il sentait toujours son instinct de survie lui crier de s'en aller. Son regard chercha de l'aide dans les invités, mais tout le monde ici était concentré sur le spectacle et personne n'avait l'air de s'offusquer. Hazel baissa la tête, la fit pivoter légèrement pour cacher son visage dégoûté aux invités, ferma les yeux, et subit la scène en essayant de ne pas écouter les bruits de mastication.
Après un temps qui lui parut infini, Hazel entendit des applaudissements et comprit que c'était terminé. Mais pas question de lever la tête, il craignait trop de croiser les yeux du monstre.
- Pour la réunification des Esgreaves.
Ponctua théâtralement le Comte. Les lumières se rallumèrent, et on continuait de l'applaudir. Tout le monde ici était fou. Il lui vint l'atroce pensée que tout était orchestré par ses deux parents pour le punir, que tout le monde était au courant et contre lui.
Toujours incapable de tourner la tête, Hazel resta figé dans sa position, mains dans les poches où il avait planté ses ongles dans ses cuisses, tête tournée, yeux fermés.
Cela ne manqua pas à Vladislav, qui le contempla quelques secondes, pas autant qu'il l'aurait voulu.
Hazel excitait en lui toutes ses pulsions sadiques, et il se félicitait intérieurement d'avoir pensé à l'inviter pour l'invocation de son Droit de Deuil. Enfin, il remonta l'escalier, et Hazel pu respirer à nouveau sans réaliser à quel point il retenait son souffle jusque là.Si Vladislav avait remarqué le mal être de Hazel, les invités chuchotaient encore. Tous s'étaient éloignés pour reprendre un cours de soirée normal, discutant, riant, allant faire un tour au buffet.
Quelqu'un s'approcha de lui, posa sa main sur son épaule et ajouta sur un ton de plaisanterie :
- Tout va bien, jeune lord? On dirait que vous n'avez jamais vu de vampire.
S'était-il amusé.
Hazel se glaça sous le contact de la main de l'inconnu, et il tourna la tête pour voir qui lui parlait. C'était un homme dans la soixantaine, la barbe poivre et sel, habillé richement, l'air sympathique. Sa présence rassura le jeune garçon autant qu'elle le mettait mal à l'aise.
Mais ce qu'il retenu, c'était le mot "vampire". Étais-ce une plaisanterie, une façon d'ironiser face à la scène cauchemardesque à laquelle ils venaient d'assister?- Pas..aussi souvent qu'on pourrait le penser.
Répondit-il seulement pour se tirer de l'embarras. Il réalisa que ses mains tremblaient et il espérait réussir à le cacher en agrippant plus fort ses cuisses à l'intérieur de ses poches.
L'homme rit.
- Allons, un grand garçon comme vous. Vous voulez prendre un bol d'air ?
Demanda t-il, toujours très tactile, en posant cette fois sa main au milieu du dos du blond.
- J'y allais justement.
Répondit le plus jeune en s'éloignant d'un pas décidé pour semer son interlocuteur.
*****
La pression redescendit une fois dehors, où le souffle glacé de la nuit le réconforta aussitôt. Hazel essaya de se calmer, s'adossant lourdement contre le mur proche de la porte d'entrée. Il pu reprendre son souffle, sa poitrine jusque là était compressée par le dégoût.
Quand il pu penser à nouveau, son attention se posa sur le jardin paisible autour de lui. Devait-il en profiter pour s'enfuir maintenant ? Prévenir sa famille, qui sûrement ne le croira jamais ?
Et puis, comme un flash, la parole du soixantenaire : On dirait que vous n'avez jamais vu de vampire.
Hazel mit bout à bout tous les éléments qu'il avait sur Vladisav. Son aura, son odeur particulière, l'organe humain qu'il venait de manger sans un haut de coeur. Tout faisait soudainement plus sens.Pendant sa réflexion, une première voiture se gara dans l'allée. Il devait être proche de 21 heures.
Un couple sortit de la voiture, puis entra sans se poser de question dans le manoir, sans même lui accorder un regard ou interrompre leur conversation.
Hazel se dit que ses parents allaient arriver d'une seconde à l'autre et il ne voulait pas que l'on sache qu'il s'est caché. Sa mère lui avait répété trop de fois de ne pas lui faire honte et de se comporter comme un gentleman, il devait faire bonne figure.
Alors il emboîta le pas du couple en laissant entre eux une distance considérable. Quand il revint, tout avait été nettoyé. Pas une seule preuve de ce qu'il venait de se passer, ni trace de cire, ni goutte de sang. Et devant, tout proche de l'escalier, Vladislav se tenait avec une coupe de vin, changé, coiffé, propre sur lui, saluant le couple qui venait d'entrer en leur serrant la main avec ces mains qui ont empoigné le coeur.Comme Vladislav se tenait au bout du couloir pour saluer les nouveaux arrivants, Hazel su qu'il ne pouvait pas l'esquiver.
Il ne lui donnerait pas la satisfaction de sa crainte, non, il devait tenir la face. Avoir l'air neutre.
Le Comte sourit de le voir s'avancer vers lui. Il le détailla sans gêne. Plus beau que dans son souvenir, même si la chemise lui ôtait le charme du sweatshirt négligé. Puis, il lui tendit la main.- Jeune Kleth. Ravi de vous revoir.
Le salua t-il.
Hazel prit sur lui pour accepter la main qu'on lui tendait. Il l'a pressa brièvement.- Monsieur Esgreaves.
Répondit-il simplement, sans esquisser le moindre sourire, avant de reprendre sa marche. Mais Vladislav le retenu, en lançant dans son dos :
- Je voudrais m'excuser. D'avoir été occupé et de ne pas avoir pu vous faire visiter comme promis. Passez une bonne soirée.
Et il se moquait ! Hazel passa de la crainte au mépris. Il ne répondit pas et s'éloigna dans la salle de réception.
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Surtout reste beau
VampireExiste t-il un Diable pour armer un être aussi répugnant d'une beauté si mortelle ? Vladislav a tout pour vous attirer dans sa toile : la richesse, le charisme, le pouvoir. Son majordome dévoué à ses côtés, il se sait intouchable et ne cesse d'explo...