𝟸𝟽. 𝙻𝙴 𝙼𝙾𝙽𝙳𝙴 𝙴𝚂𝚃 𝙼𝙰𝚄𝚅𝙰𝙸𝚂

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Ezra


PASSÉ : EZRA – 10 ANS

Je traîne des pieds sur le pavé humide. La lumière du soleil décline lentement, projetant des ombres longues et inquiétantes dans la ruelle étroite qui mène à la maison familiale. Chaque pas résonne comme un coup de gong dans mon cœur, pressant celui-ci à chaque battement. 

À la maison, je ne suis pas le bienvenu...

Je pousse la porte en bois, dont la peinture écaillée trahit les années d'abandon et de mépris. L'air à l'intérieur est chargé de l'odeur des cigarettes éteintes et de la fumée âcre des disputes que j'ai tant entendue. 

Mon père, Hector Diaz, est déjà là. Assis à table, les bras croisés. Son visage, marqué par les années de violence et de déception, fait remonter une vague de frisson en moi. Je sais que chaque passée à l'intérieur de cette maison est un risque. Un tir croisé dans la lutte pour l'amour de mon père.

— Qu'est-ce que tu fais-là, connard, crache mon père.

Sa voix basse est chargée d'un venin qui me fait frissonner. Les mots s'enroulent autour de moi comme une serpillière dense et noire, étranglant mon souffle. Pour moi, ce n'est pas seulement un reproche, c'est un coup-de-poing, un coup de barre dans les côtes. Chaque syllabe est un coup, chaque respiration un épisode d'humiliation. 

J'essaye de rassembler mes espoirs. J'ai rêvé de ce jour, celui où mon père serait fier de moi. Où il pourrait montrer qu'il porte en lui la lignée des « durs » de la famille. Mais chaque fois, je suis celui qui le déçoit. 

Ma main tremble légèrement alors que je me frotte le bras. Là où le bleu commence à se former après ma dernière rencontre avec lui. Je ne me rappelle même pas ce qui a déclenché sa colère. Sans doute un mot de trop, une réponse qui a mal tourné dans la danse cruelle de notre dynamique familiale.

— T'es juste un bon à rien, continue mon géniteur, sa voix se transformant en un murmure mielleuse mais pas doux.

Chaque mot se révèle comme une lame aiguisée, taillant dans mon esprit encore fragile. Cette influence, ce désir inextinguible de prouver ma valeur, se mêle à la peur profonde de décevoir.

— Regarde-toi. Regarde les autres enfants. Ils sont déjà des hommes. Toi ? Tu n'es même pas capable de porter mon nom correctement !

Je baisse les yeux, le cœur battant à toute vitesse. Je sais ce qui arrive encore. Chaque humiliation est suivie d'un passage à l'acte. Une démonstration de pouvoir brut. 

Je serre les poings, me concentrant sur le sol pour éviter la tempête des mots de mon père. Sur ce bout de ciment rugueux, je commence à voir des boutiques, des maisons, des gens qui vivent leur vie. Des vies simples. 

Moi, je veux le pouvoir, le respect et une place à la table des hommes. Mais tout cela semble à des années-lumière d'un garçon de dix ans qui ne peut même pas se défendre contre les coups de son propre père. 

D'ailleurs, papa se lève et s'approche de moi avec une lenteur pesante. Comme un prédateur qui devine une proie affaiblie. Ses mains sont des enclumes, ses gestes, des menaces. Mon cœur bat comme un tambour du désespoir, me préparant à l'impact.

— Tu sais ce qui arrive aux faibles, n'est-ce pas ? Dit-il en se grattant le menton, le regard perçant. Ils finissent écrasés, oubliés. Personne n'a jamais besoin d'un faible dans notre monde.

𝐒𝐇𝐎𝐍𝐆𝐈 - T1 { RÉÉCRITURE }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant