Enzo - 9 -

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Depuis la première réunion avec Monsieur Markarian, la rentrée a eu lieu. Il a tenu un bref discours à notre intention lors de la réunion de rentrée, en ne manquant pas de rappeler que certains étudiants étaient venus au congrès qu'il organisait ou bien participaient à un tournoi spécifique.

En somme, comme à son habitude, de ce que j'ai compris de lui, il a mis à ceux qui n'étaient pas assez engagés à ses yeux une pression bienveillante. Au détour de ces mots quelque peu durs pour les étudiants ciblés, j'ai ainsi reçu quelques compliments. Il faut dire que notre groupe est assurément visé par ses louanges.

L'appeler Evan à l'oral a finalement été plus facile lors de la réunion il y a une dizaine de jours qu'à l'écrit. Depuis cet entretien, nous n'avons pas eu l'occasion de nous retrouver avec lui. Seules des communications écrites, sur WhatsApp, ont été possibles. Il continue de nous accompagner, même à d'indécentes heures, mais ne s'impose pas.

Sa passion aurait pu dévorer le tournoi. Au contraire, nous nous rendons compte de la distance qu'il prend avec le sujet et la compétition qui se mettra rapidement en œuvre. D'ailleurs, le voyant ainsi en recul, j'ai réduit mon comportement cavalier pour plutôt briller par l'intelligence de mes propos.

Sans prétention, bien sûr. J'ai simplement voulu convertir mes réparties et ma légère amertume en une autre stratégie pour me faire remarquer. J'interviens sur le groupe auquel il est convié de manière plus modérée, plus sage, tout en étant toujours celui qui fait le plus de propositions.

Au fond, en soulignant que je pourrais potentiellement être l'avocat de ce groupe, Monsieur Markarian a fait évoluer ma stratégie d'approche. Mon envie d'être sans détour avec lui est intacte. Cependant, j'ai compris que l'offensive perpétuelle pourrait, au bout de quelques temps, devenir lassante.

Pour lui comme pour moi, dans la mesure où elle était les deux premiers jours guidée par la surprise et le ressentiment associé à mes propres émotions libidinales. Je n'ai évidemment pas adopté une stratégie défensive, j'ai simplement compris que briller dans le groupe me permettrait d'attirer son attention.

La répartie, les joutes, tout ceci n'est qu'une distraction pour lui, du moins si j'ai compris son fonctionnement. Mon erreur est peut-être monumentale, mais je prends le risque de ce glissement. Je dois préparer, petit à petit, le terrain de ma demande. Même si je dois bien avouer que j'ignore totalement l'objet exact de celle-ci.

Je ne peux mentir sur l'attraction que je subis quand je suis avec lui. Il est devenu un aimant pour tout mon être. En son absence, l'image de sa personne et le son de sa voix suffisent à me placer dans un état second. J'ai accepté cette forme de dépendance. A moi d'être suffisamment malin pour la convertir en une relation mutuelle.

Peu importe sa forme, je crois que j'ai simplement besoin de découvrir Evan plus que le professeur Markarian. Lui, je le retrouverai l'année prochaine. Evan m'échappe, comme si deux dimensions s'affrontaient, comme si je ne pouvais pas obtenir d'informations sur lui en-dehors de la faculté. Ses réseaux sociaux sont vidés d'humanité, je n'ai rien pu obtenir.

Mon emploi du temps de licence ne me laisse de surcroît que peu de possibilités pour mener mon enquête. Je ne vais bien évidemment pas le suivre dans la rue après les cours. Disons que ma disponibilité mentale pour investiguer l'individu m'est réduite. En revanche, j'ai bien conscience qu'aujourd'hui ma salle de cours est celle attenante à son bureau.

Je serais tenté, en cette matinée plus fraiche pour un mois de septembre, de porter un hoodie beige avec le pantalon associé. J'ignore si ce serait acceptable au sein de cette université. Je prends le risque et m'habille rapidement avant de dévaler les escaliers qui me séparent de la terre ferme.

La salle est exiguë pour autant d'étudiants. Nous sommes tous extrêmement serrés et chaque bruit trouve un écho si fort qu'un brouhaha immense émerge de notre groupe. Notre chargée de cours est en retard, ce qui ne favorise pas le retour du calme. J'aurais pourtant aimé pouvoir relire une dernière fois la dissertation que j'ai écrite sur le sujet du jour.

Je mets donc la capuche de mon haut et me concentre uniquement sur mes écrits. Mon cerveau brouille peu à peu le son émis par mes camarades et je parviens à sortir de la salle de classe pour ne penser qu'aux mots jetés sur le papier. Arrivé à la page trois, je suis sorti de mon état de transe par un coup de coude de mon voisin.

« Je constate qu'à part l'étudiant capuché, personne n'a cru bon de choisir une activité plus calme en attendant votre enseignante. Je vous rappelle que mon bureau est à côté ».

Je sens le froid contaminer tous mes membres. C'est lui.

Ultime évanescence (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant