Prologue

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Eric ne portait pas son plus beau costume mais il lui avait été offert par sa mère. Une femme resplendissante. Une femme de la nuit, dotée d'un charme irrésistible et envoûtant. Une mère qui ne l'avait jamais aimé et il le savait mieux que personne. Enfermé dans une petite pièce, le soir, Eric pouvait distinguer une voix grave dans la chambre aux lumières écarlates. Le lendemain une autre un peu plus grave et le jour d'après une un peu plus douce.

Il ne connaissait pas son père, mais cela ne l'intéressait pas. Eric aimait sa mère, il aimait les femmes. Ils les voyaient comme des sculptures de verres, tellement agréable à regarder mais susceptible de se briser au moindre choc. Cependant, il aimait voir ce verre si délicat se briser en mille morceau et se recouvrir d'un liquide épais, rouge vif, formant la plus belle des œuvre d'art.

Cette nuit de samedi soir n'était pas comme toutes les autres. Pour la première fois, Eric rentrait seul chez lui. Il avait pourtant tout préparé pour pouvoir entendre les éclats de rire qu'il aimait tant. Une routine dont il ne voulait pas se séparer. Cependant, il rentrait bel et bien seul chez lui et cela ne lui plaisait pas du tout.

Le soleil s'était couché depuis plusieurs heures déjà, et la lune, elle, restait cachée, ne laissant entrevoir qu'une sphère éteinte. Malgré la faible lueur des lampadaires et les reflets rougeâtres des véhicules, l'obscurité envahissait la ville d'un calme angoissant. Au pied des longs immeubles grisards, sur le trottoir humide et crasseux, Eric avançait d'une démarche rapide. Ses chaussures en cuir noir claquaient contre le sol, brisant le silence de la nuit. Un silence pesant. En tout cas, c'était ainsi que l'homme le ressentait. Chacun de ses pas reflétait son empressement, cependant l'heure indiquée sur sa montre n'en n'était pas la cause. Telle une proie sentant le regard du prédateur, il se sentait pris au piège. Sa respiration était irrégulière et son cœur battait si fort qu'il traversait presque sa cage thoracique. Il ne savait pas de quoi il avait peur mais il savait qu'il était chassé.

Il arriva enfin devant son immeuble dans lequel il se précipita. Il monta ensuite les escaliers à toute vitesse, mais plus il s'approchait de son appartement, plus l'ombre du danger lui semblait proche. Une fois dans celui-ci, il claqua la porte derrière lui. « Fais demi-tour, lui criait son instinct de proie. Fuis !... » Trop tard. Le loup était déjà dans la bergerie.

Alors que ses muscles se détendaient peu à peu, un son lourd et métallique résonna.

CLING

Chacun de ses membres se stoppa, tout comme sa respiration. Le courant de son appartement se coupa, le plongeant dans l'obscurité. Mais d'où venait ce maudit bruit ? Il ferma les yeux un court instant.

CLING

Des couteaux ? Dans un élan de courage, certainement poussé par l'adrénaline, Eric courut jusqu'à la cuisine. Plus aucun objet tranchant.

CLING

La peur lui tordit les intestins et sa respiration se fit plus haletante. Il sentit une présence dans son dos. Pris au piège, il fit volte face dans un cri, et son regard rencontra celui des intrus. Ou plutôt des intruses. Après quelques secondes de silence qui lui parurent des siècles, Eric essaya de reprendre son sang froid et de chercher une arme pour se défendre.

Il cherchait un objet lourd ou tranchant. Il tourna légèrement la tête et aperçut un rouleau à pâtisserie assez lourd pour immobiliser un des deux inconnus pendant quelques secondes. Il n'eut pas le temps de réfléchir qu'aussitôt il sentit que les ombres commençaient à bouger.

Pris de panique, Eric se jeta sur l'arme sur sa gauche et essaya de l'attraper le plus vite possible. Mais il savait que quelque chose n'allait pas. La distance entre son buste et le couteau lui permettait largement d'attraper cette arme. Pourtant Eric n'arrivait pas à la saisir. Il ne la sentait pas contre sa paume, à vrai dire, il ne sentait pas sa paume. Soudain, il fut submergé par une douleur paralysante. Il tourna lentement la tête vers son bras mais ne le trouvait pas. Il commençait à perdre connaissance et alors que sa vue se troublait, il vit deux silhouettes se rapprocher comme des félins s'avançant vers leur proie.

Derrière elles, se tenait une ombre habillée d'une grande robe noire. L'Homme vit l'un des deux prédateurs brandir un large couteau de cuisine, en même temps que l'ombre brandissait sa grande faux.

Eric repensait à ses après-midi d'hiver ,dans le salon, au côté de sa mère, la vue sur son jardin blanchit par la neige. Il sourit.

Le froid du métal pénétra sa chair, l'attirant à tout jamais dans les ténèbres.

L'horloge du village sonna les 12 coups de minuit. On ne le savait pas encore mais ce son mélodieux annonçait le début d'une longue purge.

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