Pour vivre

XLV - Prisonnier avec le loup

Jimmy avait parfaitement nettoyé l'appartement. Il ne restait plus personne. J'avais été plutôt surpris du baiser de ma mère sur la joue. Je lui avais souhaité bon courage pour l'Angleterre. Elle avait levé les yeux au ciel en même temps que papy, les deux soupirant en coeur et à fendre l'âme. J'avais deviné que ce ne serait pas une partie de plaisir. J'avais eu envie de prendre le même chemin pour voir par moi même la tombe de mon père. Ça me semblait une drôle d'idée que de vouloir connaître mon père biologique même s'il ne s'agissait que d'un morceau de marbre ou d'une quelconque stèle. Est-ce qu'il m'aurait aimé tel que j'étais alors que visiblement je ne correspondais pas à la norme ? Est-ce qu'il aurait accepté en souriant ? Ma mère m'avait raconté à quel point nos rires étaient identiques. Est-ce que j'aurais été proche de lui ? Est-ce qu'il m'aurait félicité ou encouragé ? Aurions-nous eu à partager nos passions ? Aurions-nous eu nos secrets ?

Marc était sorti en maugréant. Une petite claque derrière la nuque l'avait arrêté immédiatement. Apparemment notre femme fatale, dite Wanda pour les intimes, commençait sa prise en charge. Ce qui m'avait vraiment étonné, c'était de voir mon frère obéir sans faire plus de scandales. J'avais souri de voir Max libérer son côté Pepper en se vengeant du blondinet. Et quel sourire il y avait dans les yeux, le petit Alexis. Je le voyais maintenant. Il était totalement sous le charme de Max. Et Max ? Il ne voyait rien ! Pas même son comportement. Est-ce que j'avais été aussi stupide ?

J'en étais là de mes réflexions lorsque je m'aperçus que Jimmy s'était enfui dans la chambre. Il avait passé une tête en dehors tout en souriant malicieusement. C'était un vrai gamin quand il s'y mettait. Il ressortit presque immédiatement vêtu d'un t-shirt moulant qui couvrait tout mais ne cachait rien. "Kiss me". Les deux seuls mots imprimés. Je soupirais de résignation. Je me dirigeais alors vers ma cuisine. Oui, ma cuisine. J'y passais beaucoup de temps et je n'autorisais pas Jimmy à y entrer. C'était ma façon de lui payer mon loyer et de le dédommager pour le dérangement. J'avais apprécié de vivre avec Max, je me sentais de plus en plus chez moi dans cet appartement-ci. Jimmy attendait tranquillement de l autre côté de l'îlot central, assis sur son tabouret de bar et dans une position qui me provoquait des sueurs et en même temps me desséchait la gorge. Au vu de l'heure, j'avais opté pour un thé. Et juste parce qu'il fallait que je m'entraîne, j'avais choisi le matcha. J'avais acheté chez Shimura sensei tout le nécessaire. Elle avait été ravie. Elle m'avait fait une jolie ristourne disant que j'étais officiellement son élève donc il fallait bien que je trouve les moyens de m'entraîner correctement. Je commençais donc mon rituel, le regard de Jimmy suivant chacun de mes gestes avec attention. Je fis bouillir l'eau exactement à la bonne température. C'était plus facile depuis qu'en plus du cuiseur à riz, Jimmy s'était équipé d'une bouilloire high-tech. j'avais préparé la bonne quantité de matcha dans le bol. J'avais disposé mes ustensiles dont je n'arrivais jamais à me souvenir des noms en japonais hormis lorsque mon maître les prononçait elle-même. Le tintement de la bouilloire rompit le silence.

- Tu souris, mon husky.

- Tu prends tes désirs pour la réalité, môsieur parfait je porte des t-shirts indécents.

- Oh, tu aimes donc mon nouveau t-shirt ?

- Pas du tout !

- Tu souris encore.

Chier ! Je n'étais pas transparent à ce point quand même ? Je me contentais de grommeler et de continuer ma mini-cérémonie. Alors je pris la bouilloire, réchauffais et humidifiais mon fouet en bambou, pendant ce temps le bol à matcha prenait la bonne température. J'évacuais la première eau et disposais ma poudre verte puis versais la bonne quantité d'eau chaude. Et je commençais à fouetter le mélange en prenant garde de ne pas laisser de vilains grumeaux.