Chapitre 1

166 3 10
                                    

Chaque jour il faut s'y faire
Elle revient toujours, la colère
Chaque jour elle nous effleure
Je crois qu'elle vient de l'intérieur
Gaëtan Roussel

Je suis là, à errer dans ce cimetière. Je suis libre de mes mouvements, je pourrais même courir si je le voulais. Je suis libre. J'ai même la liberté de choisir. Je peux m'enfuir, aller où je veux. Mais pourquoi ferais-je cela ? Ce serait égoïste de ma part. Toi, tu ne peux pas t'enfuir. Tu es condamnée à rester là, sans même pouvoir visiter tes nouveaux voisins de temps à autre. Alors rien que de penser à ce que moi je peux faire, c'est déjà un acte très individualiste de ma part. Mais ce ne serait pas la première fois, tu le sais j'en suis sûr. Mais tu es bien trop délicate pour me le faire remarquer. Enfin, tu étais...
Alors je suis là, je me balade, les mains dans les poches de mon blouson, parmi les tiens, prisonniers de la terre et dont vous ne vous échapperez jamais. Je casse sûrement vos espoirs, mais nous ne sommes pas dans un roman de Stéphan King ou bien un bande dessinée de Robert Kirkman. Malgré moi, je me tiens fièrement devant chacun de vous, à respirer, à me morfondre, à vous narguer. Depuis ton départ précipité, ma joie de vivre s'est dissipée. Comme toi elle s'est envolée. Je t'accuse de me l'avoir dérobée, peut être involontairement.
Le vent d'automne souffle dans mes cheveux que je n'ai pas raccourcis depuis un petit moment déjà. Ça me donne cette étrange impression qu'autour de moi, il y a encore un peu de vie. Comme si avoir cette tignasse qui danse au rythme du vent pouvait me donner encore un souffle d'espoir. De l'espoir ? Pour croire en quoi ? Lorsque la vie est cruelle, qu'elle nous enlève ce qui nous est chère, on a beau croire, espérer, ou même prier. Rien n'y fait. Certains disent même que c'est ce qu'on appelle le destin. Je sais que le combat est perdu d'avance. Si les bébés pleurent à leur naissance, c'est bien parce qu'ils savent que souvent la vie va leur faire mal. On naît, on souffre, on meurt. C'est aussi simple que cela. Moi aussi j'ai cru pendant longtemps, qu'entre la naissance et la mort, il y avait une vie pleine de joies, d'un peu de misères, de beaucoup d'amour et de tendresse. Mais lorsque la volonté d'on-ne-sait-qui (ou le destin pour certains) en décide autrement, le bonheur s'évanouit.
La pluie coule le long du cuir noir de mon blouson. Elle fait son chemin, tel la vie qui nous quitte, du haut vers le bas. Je continue de penser de manière égoïste. A ce soir où j'aurais du te prendre les clefs de voiture et t'empêcher de partir. Tu aurais dormi dans mon lit et j'aurais pris le canapé de mes parents. Mais non, je n'ai pas su voir la tristesse que renfermaient tes yeux, la peur que tu cachais dans ton cœur, et surtout, la souffrance que tu dissimulais dans ton corps. Je fus aveuglé par mes propres sentiments de joie, bien incapable de comprendre que tu ne pouvais pas m'aimer, pas que tu ne le désirais pas.
J'ai quand même pu remarquer quelque chose. Tu le sais sûrement, je suis quelqu'un qui croit fortement que les saisons ont une signification et un fort impact sur notre bonheur. L'été est la saison où tout est beau, mais parfois, quand c'est justement trop beau, un orage éclate. L'hiver annonce la fin. Le froid, la fin de l'année, la neige, rien de bien positif. Le printemps signifie la renaissance, les arbres bourgeonnent, les abeilles font leur retour, les ours sortent de leur caverne. En revanche, je ne sais quoi penser de l'automne. Cette saison durant laquelle il ne se passe pas grand chose. Il pleut, il vente, le soleil se cache. Mais il a fallu que tu partes à la fin du printemps, juste avant le début de l'été. Tu as brisé le cycle des saisons. Ce 12 juin, tu as également emporté le soleil. Tu étais mon soleil. Le destin avait encore frappé.
Voilà maintenant quatre mois que c'est arrivé. J'ai eu le temps d'y réfléchir et d'essayer de comprendre. Je ne désires qu'une chose c'est de te revoir, de te serrer dans mes bras. Je voudrais te dire que tout va bien se passer, mais ma volonté est dissoute. Alors pour te faire vivre un petit peu plus longtemps auprès de moi, je me décide à replonger dans mes souvenirs. Nos souvenirs.

A la faveur de personneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant