Son souvenir

148 14 12
                                    

Gagnante du concours de Charis_Me, organisé pour célébrer la fin de sa fanfiction tome 9 de GDCP ( je vous la conseille d'ailleurs fortement) :

La consigne était d'écrire une nouvelle du point de vue d'un autre personnage, à un moment de sa fanfiction. J'ai choisi d'écrire du point de vue de Biana lors des funérailles de Fitz.

Biana se tenait sur l'estrade, aux côtés de ses parents. Ses cheveux étaient lâchés, et tombaient lourdement sur ses épaules. Elle avait des taches bleues sous les yeux, les joues creusées et les yeux rouges, tant de signes que même son maquillage ne parvenait pas à camoufler.

Cela faisait déjà trois fois. Trois fois qu'elle se retrouvait là, debout, face à toute la population elfique, à recevoir les condoléances de gens qui ne connaissaient pas ou peu la personne qu'elle-même pleurait.

Mais cette fois, la personne qu'ils pleuraient tous ne reviendrait pas. Pas comme Sophie, Dex ou Alden. Cette fois, la plantation était définitive. Il était parti.

Biana se tenait debout, bien droite, fière, le regard perdu au loin. Elle ne regardait pas les gens qui se succédaient devant elle, lui adressant toujours les mêmes mots, répétés sans cesse.

Elle en avait assez des discours vides, des phrases se voulant rassurantes. On lui assurait que tout le monde compatissait, qu'on partageait sa tristesse. Elle avait envie de crier.

Pourquoi tout le monde lui parlait comme à une enfant, qui ne pouvait comprendre ?

Pourquoi ne pouvait-on pas la laisser seule, seule avec son chagrin ?

Pourquoi devait-elle entendre sans cesse les mêmes paroles dénuées de fond ?

Tous ces gens ne connaissaient pas Fitz comme elle l'avait connu. De quel droit venaient-ils lui parler de lui ?

Elle savait bien qu'elle était injuste avec eux. Ils ne voulaient que l'aider à surmonter cette épreuve.

Mais elle ne voulait pas être aidée. Elle avait besoin de temps, mais elle savait que jamais elle ne pourrait oublier. Jamais elle ne tournerait complètement la page.

Elle écouta sans comprendre le discours de Emery. Il devait certainement être magnifique, mais elle ne se sentait pas le courage de l'entendre.

Elle parvint cependant à saisir quelques phrases, qui la plongèrent une nouvelle fois dans la tristesse. Ce n'était pas pour rien qu'Emery était considéré comme le meilleur orateur du conseil. Ce qu'il disait était juste, et touchait en plein cœur.

Ce fut ensuite à Wylie de parler. Cette fois, elle tenta d'écouter, bien que son cerveau parte sans cesse se réfugier dans ses souvenirs. Les gens défilèrent sur l'estrade, prononçant à chaque fois quelques mots pour la personne qu'ils avaient perdue.

Biana était ailleurs. Dans un autre monde. Elle était perdue dans ses pensées, dans ses souvenirs. Des souvenirs heureux, dans lesquels une personne revenait sans cesse. Fitz.

Et puis c'était à son tour. On lui avait demandé de parler pour Fitz car ses parents n'en étaient pas capables, mais maintenant, devant toutes ces personnes, elle se demanda si elle-même en était capable.

Elle croisa le regard plein de larmes de Sophie. Elle tenta de lui sourire, mais ne parvint qu'à esquisser une ombre de sourire.

Lentement, elle s'avança. Elle ouvrit la bouche, et tenta de prononcer sa première phrase.

—  Je...

Sa voix était enrouée par les sanglots. Elle fixa les arbres autour d'elle, regarda le ciel, puis redirigea son regard vers la population elfique, qui attendait qu'elle parle. Elle n'avait rien préparé. Aucune feuille avec son discours. Aucune idée de ce qu'elle allait dire.

— Je sais que vous allez être surpris par mon âge, commença-t-elle.

Alors les mots s'enchainèrent. Subitement, il lui semblait qu'elle savait exactement quoi dire. Son anxiété disparue, et même sa tristesse lui sembla plus légère à supporter, alors qu'elle parlait. Les mots lui venaient naturellement. Il lui semblait même que Fitz lui-même les lui soufflait. Et elle parlait. Parlait encore et encore, sans s'arrêter. Ses larmes séchées, la tête haute, le regard brillant. De fierté envers son frère, d'amour, de chagrin et d'un autre sentiment indescriptible.

— Il y a une chose qui ne disparaitra jamais, c'est le souvenir. Son souvenir, et celui de tous ceux que nous avons perdus aujourd'hui.

Il lui semblait qu'elle pourrait parler ainsi pendant des heures. Les mots s'enchainaient sans qu'elle n'y réfléchisse. Biana continuait de parler, comme si sa vie en dépendait, comme si elle allait être coupée à tout instant et n'aurait pas le temps de finir de dire ce qu'elle avait dire. Elle disait tout ce qu'elle avait sur le cœur, tout ce qu'elle taisait depuis la mort de son frère, la personne la plus proche d'elle au monde.

—  Fitz était un héros. Il a sauvé plus d'une personne ici présente en sa courte existence.

Son regard auparavant perdu dans le ciel et dans les arbres scruta la foule. Elle croisa le regard de plusieurs personnes, qui semblaient étonnés de sa prestance et de l'assurance qu'elle semblait dégager.

Effectivement, Biana se sentait bien. Elle se sentait bien à rendre hommage à toutes les personnes disparues. Elle avait pris de l'assurance. Elle se sentait à sa place. C'est là qu'elle devait être. Elle savait que c'était son devoir, et prenait plaisir à l'accomplir. Plusieurs personnes avaient les yeux fermés.

— Mais ne croyez pas qu'il est mort, qu'ils sont morts. Laissez-le, laissez-les vivre au fond de vos mémoires.

Lorsque sa voix s'éteignit enfin, le silence présent était empreint de respect et d'admiration.

Biana se recula lentement. Elle avait la satisfaction du devoir accompli. Elle avait dit tout ce qu'elle avait à dire. Elle était enfin en paix, comme si elle avait eu besoin d'extérioriser tout ce qu'elle pensait. A présent, la mort de Fitz lui semblait moins lourde.

C'était maintenant à son père de s'avancer. Alors qu'il plantait la graine, Biana ferma les yeux, apaisée. Ses yeux étaient enfin secs. Son discours l'avait vidée. Il lui semblait que son chagrin était moins insupportable qu'avant.

Elle ne rouvrit les yeux que lorsqu'elle entendit la chorale se mettre à chanter, ce chant d'adieu si beau et si déchirant à la fois.

L'arbre était là. Biana ne trouvait pas de mots pour le décrire. Il était son frère tout simplement. Il lui semblait qu'un énorme poids venait d'être retiré de son cœur. Elle n'avait pas perdu son frère. Pas complètement. Il était là, dans cet arbre si majestueux, si lui.

Ses yeux parcoururent l'assemblée, s'arrêtant sur ses amis. Comme elle, Sophie n'avait plus assez de larmes pour pleurer encore. Keefe, lui, laissait encore échapper quelques trainées humides glissant silencieusement sur ses joues. Dex, Linh, Tam et tous les autres étaient là aussi, les yeux rougis.

Alors que Biana les regardait, elle se sentit soudain emplie d'un sentiment si fort qu'il faillit la submerger. L'amour. Peu importe ce qu'ils avaient tous enduré, ce qu'elle endurait, ce qui leur restait à vivre, quelles épreuves ils devraient affronter, ils le feraient ensemble.

Ensemble, ils se reconstruiraient. Ensemble, ils rendraient hommage à Fitz. Et il resterait à jamais dans leur mémoire.

Son souvenir - Concours de Charis_MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant