Chapitre deux : Jelani

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Jelani avait juste envie de dégainer sa carte d'identité, son passeport, sa dernière facture d'eau ou il ne savait quoi encore pour prouver qu'il n'était pas en situation irrégulière quand il mit les pieds dans le commissariat pour la première fois. Les seules fois où il avait vu autant de flics réunis au même endroit, c'est lors des émeutes dans le quartier. Au moins, ils n'avaient pas la même tenue. Jelani avait fini par les imaginer presque comme des machines sous les boucliers et les matraques. Il était tôt mais il y a du monde qui attendait et il prit place dans la file.

Il avait imaginé un décor de série française, avec le jeune flic ignorant à l'accueil, bafouillant et se trompant. Mais au contraire, il semblait assez efficace, les gens étaient orientés rapidement, comme si un premier tri se faisait en ce lieu.

« Monsieur, c'est pour ? »

Jelani leva la tête, cherchant à qui on s'adressait si poliment. Ah merde, ça devait être à lui en fait, il n'avait pas l'habitude, venant de la police.

« Bonjour, je cherche Mme Diaz, Marianne. On m'a adressé à elle. »

C'était l'assistance sociale déjà en poste, et il espérait qu'elle prendrait le temps de lui montrer le boulot un minimum.

« Prenez ce couloir, fit le planton en désignant la gauche. Son bureau est le dernier sur la droite.

– Merci. »

Jelani avança dans le couloir en se demandant ce qu'il pouvait bien foutre là. Il devait être passé du côté obscur sans s'en être rendu compte. Il avait en général pas mal de respect pour les gens qui s'engageaient pour aider les autres, mais les flics, il y avait encore quelque chose qui coinçait. Il avait grandi avec une certaine haine de l'autorité et quoi de mieux que la police pour la représenter ? Puis, il avait grandi encore, il avait appris mais il restait des traces malgré tout.

Certaines personnes attendaient sur des bancs ou des chaises en plastique pour ne pas encombrer le hall étroit. Des policiers en uniformes, d'autres juste avec le brassard au bras le croisaient et le balayaient du regard comme pour le jauger. Jelani se dit qu'il a bien fait de mettre sa chemise blanche, même s'il avait galéré pour la fermer. Bien sûr, il l'avait pas mise depuis le mariage de sa cousine, forcément. Et il n'aurait pas dû manger les frites de Gwen. Il se sentait quand même moins intimidé, plus sûr de lui, habillé ainsi.

Il arriva enfin devant le dernier bureau. Malgré la porte ouverte, il frappa deux petits coups dessus.

« Oui ? fit la femme blonde en levant la tête.

– Madame Diaz ? Je suis Jelani Kanté.

– Oh mon sauveur ! Entre ! »

En quelques secondes, il était installé devant elle et elle lui avait demandé de l'appeler Marianne.

« Café ? demanda-t-elle.

– Non merci. »

Elle eut une grimace et Jé devina qu'il aurait dû dire oui, pour lui donner l'excuse d'en reprendre un. Quoi qu'elle n'en avait pas vraiment besoin. En une heure, elle lui donna plus d'informations qu'il n'en avait reçu lors des quarante-quatre dernières réunions au centre social. Il se sentit submergé et un peu lent d'esprit aussi. Il n'avait pas retenu le quart du huitième de ce qu'elle lui avait dit. Mais au moins, il avait ciblé ce qu'il allait faire principalement. Seconder les policiers pour trouver des aides pour les victimes et les prévenus pour éviter des récidives. Et c'était le vrai cœur de son métier, enfin. Bon, il ne couperait pas à la paperasse infâme vu qu'elle proliférait comme de la mauvaise herbe sur, sous et à côté du bureau de Marianne. Il était plutôt doué pour remplir des dossiers, possédant un certain talent pour les phrases ampoulées et vides de sens.

Flower (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant