Chapitre 5

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40 jours.

En descendant les escaliers, je remarque aussitôt que la lumière est allumée dans le salon. Aussitôt se diffuse en moi un sentiment de soulagement mais aussi une trace de chaleur qui cogite dans ma poitrine. J'en souris. Alexander est là et je vais encore pouvoir profiter de lui, de sa présence, de nous deux, ensemble. Je ne veux plus que me blottir contre lui, bien au chaud.

Le sourire toujours collé aux lèvres, je termine mon action avant de me diriger vers lui. Quand il me voit, c'est tout son visage qui s'illumine et il se déplace un peu sur le canapé pour me laisser assez de place. Mon œil regarde l'horloge suspendue devant nous : 2h06.

Mais ici, dans ce cocon de chaleur et d'intimité, il n'y a pas de place pour le sommeil. De son côté, il me regarde toujours, les yeux brillants d'une lueur que je ne peux pas attraper, simplement contempler.

— Tu es venue.

Ce n'est pas une question. Mon sourire s'élargit, rien que pour lui.

— Bien sûr, quelle question. J'aime qu'on se tienne compagnie.

Mon cœur bat la chamade quand je le sens si près de moi, sa peau effleurant la mienne quand il bouge, ses doigts longs et fins que j'aimerais serrer dans les miennes. La chaleur me prend toute la gorge puis monte jusqu'à ma joue. Ça aurait pu durer ; oui, mais la seconde d'après, c'est une véritable douche froide qui s'abat sur moi sans pitié. Tapis là, pour me rappeller que je n'ai Alexander que pour un court instant, un dessin de la déesse de la lune me salue.

— Oh, t'étais en train de dessiner.

J'essaie de paraître détacher au possible pour que ma jalousie ne se lise pas sur mon visage. Mais mon cœur, lui, crie bien de rage. Quand bien même je ne la déteste plus, je n'arrive pas à passer outre cette peur qui me ronge chaque jour : qu'il m'oublie et m'abandonne pour elle.

— Oui, plus précisément mon rêve.

— Ça ne te dérange pas de....dessiner ta mort ? Qui au passage, est aussi la tienne.

— Franchement après tant de temps à l'avoir vu, je crois qu'au final, ça ne me fait plus grand chose.

Je déglutis, la gorge serrée. Je ne sais pas comment il fait pour en parler avec ce détachement, comme si c'était normal. Mais le meurtre ne sera jamais une normalité. Je m'en souviendrai toujours ce que j'ai ressenti après ce rêve où j'ai vu Alenscia étendue, morte : de l'horreur.

Il continue de dessiner tranquillement la déesse de la lune, resplendissante si elle n'avait pas une tâche de sang tâchant son beau vêtement blanc tandis que j'essaye d'ignorer ce sentiment d'imposture qui perce à la surface. Le silence n'est peut-être pas dérangeant pour lui mais j'ai l'impression tout bonnement que je ne devrais pas être ici, surtout en le voyant la dessiner, le sourire aux lèvres.

Alors que je pense qu'au mieux, ce serait préférable de faire demi-tour, il m'arrête :

— Je n'aime pas que tu vois cette autre facette de moi.

Je ne mets qu'une seconde à comprendre de quoi il parle et comme si on avait appuyé sur un bouton, la peur et le malaise qui avaient pris possession de moi s'évanouissent.

— Pourquoi ? Tu en as honte ?

— Pas ça. Plus le fait que je n'aime pas cette part de moi, cette force, cette violence ; alors que tu la vois... J'aurais aimé ne pas avoir à en user plusieurs fois, explique-t-il en se détachant de ses dessins pour plonger ses yeux dans les miens.

Sous ses prunelles scructatrices, je sens ma gorge se bloquer et mes joues s'enflammer. Il sourit et se penche pour poser son dessin sur sa table avant de se retourner vraiment face à moi. Mon ventre se serre quand je vois l'attention qu'il me porte et si je ne suis pas déjà brûlante, je ne comprends pas. Son sourire s'élargit encore et j'ai comme la nette impression qu'il se moque ouvertement de moi.

La Malédiction de La Luna (S2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant