Enzo - 24 -

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Aussi brillant soit-il, je constate parfois combien Evan manque de clairvoyance sur son propre comportement. Peu importe, je le serre contre moi pendant que ses mains jouent avec mon crâne. Je me détends, après les montagnes russes émotionnelles que mon frère a provoquées.

« Je crois que nous allons rentrer, Evan.

— Je te souhaite bon courage, pour gérer ton frère...

— En espérant qu'il ait tenu sa langue en retournant avec le reste du groupe.

— L'alcool aidera à effacer la mémoire de ces esprits ...

— Faiblards ? me moquai-je.

— Je n'aurais jamais osé qualifier ainsi mes étudiants.

— C'est bien pour cela que j'ai pris le relai ».

Je passe ma main sur son épaule et pose de nouveau mes lèvres sur les siennes. Il y répond d'abord intensément puis, peu à peu, se détache de moi. J'ignore pourquoi, mais je sens Evan fuir mon contact. Sa respiration s'accélère un peu, je la ressens. Il touche mes lèvres avec discrétion et, soudainement :

« Bonne soirée Enzo. Nous fixerons un moment pour que nous puissions nous rendre nos bijoux respectifs. Je pourrai ainsi vous dire avec précision ce que j'ai pensé de votre prestation. A très bientôt. Au revoir, Monsieur.

— Au revoir ! » entends-je, provenant d'une voix enjouée.

Mon frère avait, encore une fois, fait irruption.

« Tu vois ! J'ai bien fait de lui dire tout à l'heure ! Je vous ai vus vous embrasser !

— Depuis combien de temps es-tu là ?

— Une poignée de secondes, juste pour te voir l'embrasser et qu'il réponde.

— D'accord... »

Je prends mon frère par le bras et reviens à notre table de laquelle Evan a déjà disparu. Tout le monde prépare ses affaires et nous apprenons que la note a été payée. Je ne manquerai pas de régler mes comptes avec le concerné mais je dois, pour l'instant, gérer l'intrus familial dans ma vie sex-affective.

Nous descendons les escaliers et nous saluons mes camarades. En dépit de l'ambiance compliquée, de l'alcool et de mon frère, je me réjouis d'avoir passé du temps avec eux. J'ai pu apprendre à les connaître, ce soir comme durant les dernières semaines. Ils m'ont après tout fait confiance.

Nous marchons dans la nuit noire et je retrouve le croisement qui nous avait conduit, après l'Opéra, à une séparation enfumée. La manière dont Evan est parti ce soir ne laisse pas de doute sur l'intensité de sa contrariété. En revanche, j'ai aussi appris qu'il n'était pas spécial avec moi, mais pour moi.

Mon frère doit saisir que je suis troublé puisqu'il ne parle pas. Si Evan ne pouvait me faire de plus beau compliment, il a cependant reconnu aussi que son investissement n'était pas spécial. Il exagère sans doute, d'ailleurs, dans la mesure où sa prévenance n'a pas d'égal avec ses collègues ou même ses autres étudiants.

Surtout, pour en avoir parlé avec lui, je sais que son comportement était bien différent avec ses amants réguliers passés. D'ailleurs, le malaise lié au serveur le montre. Je sens que je m'embourbe dans des réflexions qui me dépassent. L'arrivée à mon appartement m'oblige à ne plus y penser.

« Je suis fier de moi, pavane mon frère, j'ai réussi à vous rapprocher !

— On couche ensemble depuis des mois.

— Quoi ?!

— Tu as très bien compris. Tu n'as rien fait, bien au contraire.

— Mais vous êtes ensemble alors ?

— Non, juste amants.

— Vu son regard et vu la manière dont tu étais collé à lui, je n'aurais pas parié que c'était juste du sexe, maintenant que tu me dis ça.

— Il ne s'agit pas de pari. On a une relation particulière, c'est ainsi. Et personne ne peut la comprendre. Et personne n'a à le faire. C'est notre relation.

— J'ai fait une bêtise, alors ?

— Tu n'as rien fait de problématique pour nous, parce qu'on se connaît bien et qu'on était déjà dans une relation. Mais si tout ça n'existait pas, si cela avait été un autre de mes enseignants, tu aurais pu mettre à mal mes études. Alors, oui, tu as fait une bêtise, et pas qu'une !

— Pardon... »

Son air penaud ne suffira pas.

Ultime évanescence (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant