Prologue

33 1 3
                                    

Hadès se tenait prêt de la trouée qui venait d'apparaitre à travers l'épaisse végétation qui bordait les Champs-Elysées. L'étrange messager ne s'était pas trompé. Un nouveau monde venait de se créer apportant avec lui la promesse d'un renouveau.

Lorsqu'il avait appris cette nouvelle, le dieu des Enfers avait espéré que ses congénères partiraient de son domaine. Ils y étaient depuis bien trop longtemps. Depuis que les mortels avaient cessé de les adorer. Depuis qu'ils s'étaient tournés vers les nouvelles religions, les nouvelles entités spirituelles et leurs nouvelles mœurs.

Aussi longtemps que cela puisse paraître, Hadès avait dû supporter et assoir son pouvoir sur des divinités de l'Olympe et du reste du monde grec. La chose n'avait pas été aisée tant ils étaient indociles et frivoles. Pourtant, après maintes rixes, les divinités oubliées avaient fini par se plier aux lois inflexibles des Enfers. Même Zeus, qui, jusqu'à l'exil dans les Champs-Elysées, régnaient en maître sur tout ce beau monde immortel.

Ce nouveau monde aurait été une chance inespérée pour Hadès et les habitants de l'Enfers de retrouver leur sérénité d'antan. Mais c'était sans compter sur l'ambition hors normes des dieux grecs. Ils espéraient. Ils croyaient que les mortels finiraient par se détourner des nouvelles religions pour revenir aux anciennes. Alors, ils se devaient d'attendre patiemment. Peut-être éternellement dans les Champs-Elysées, continuant ainsi et parfois sans le vouloir, à bouleverser les lois des Enfers.

Heureusement pour le maître des lieux, tous n'étaient pas concernés. Certains refusaient d'attendre l'éternité pour revenir dans le cœur des mortels. Ce nouveau monde était pour eux une bénédiction, un moyen de construire quelques choses de nouveau. Loin des humains et loin de leurs congénères. À ceux-là, Hadès donna sa bénédiction et un accord fut conclu. Les Enfers, qui abritaient parfois des membres de leurs familles, ne leur seraient pas entièrement fermés. Ils leurs seraient ouvert, au bon vouloir du maître des lieux et de sa femme.

Le dos bien droit, le torse bombé, tenant son sceptre d'une main ferme, le dieu des Enfers regardait la petite troupe approcher. A sa tête se tenait une femme aux cheveux ébène et aux yeux bleus cyan. Ces derniers reflétaient la mélancolie, la colère et la détermination. Ce qui les rendaient plus beaux encore. Son nez fin, sa bouche pulpeuse et ses cheveux soyeux aux couleurs contraires de ceux de sa mère. Cassandre, première enfant d'Aphrodite et Arès, cachée de tous, avait été la première à vouloir partir du royaume souterrain. Il faut dire que la révélation de son existence n'avait pas engendré beaucoup d'enthousiasme. Au contraire. Elle remua le couteau dans une plaie qui ne s'était jamais refermée. Elle était le fruit d'un adultère qui avait chamboulé tout le beau monde divin. Héphaïstos s'était montré particulièrement infecte avec la jolie jeune femme. Elle n'avait pas sa place dans les Champs-Elysées et aurait dû croupir dans le Tartare.

Étonnamment, le dieu de la forge avait réussi à réunir suffisamment d'adepte pour rendre la vie difficile à Cassandre. Il se moquait bien du fait qu'elle n'avait rien demandé, qu'on ne choisissait pas sa naissance. Sa mère, en la mettant au monde, aurait dû la noyer ou la brûler dans la forge de son époux légitime plutôt que de la cacher et lui laisser la chance de vivre une vie paisible.

Derrière elle, marchait un petit groupe, composé de toutes sortes de créatures de la mythologie grecque. Et près d'elle se tenait Araxes, un des nombreux dieux-fleuves issus de l'union d'Océan et Téthys. Le jeune homme avait été l'un des premiers alliés de la belle Cassandre. Il l'avait défendu fasse aux rixes d'Héphaïstos et de ses congénères, il était de ceux qui lui avait rendue la vie plus agréable. Et lorsque la jeune femme lui avait proposé de venir avec elle dans ce nouveau monde, il avait accepté sans hésiter. Ses parents, à la tête d'une famille nombreuse, en furent même heureux pour lui et le laissèrent partir dans cette grande aventure.

Lorsqu'il fut à quelques mètres de la trouée, le petit groupe s'arrêta pour qu'Hadès les rejoigne. D'un pas lent et sûr, ce dernier s'avança vers eux, se forçant de cacher l'épuisement qui le gagnait. Car elle était loin l'époque où le dieu était jeune. Il comptait à son actif plus d'un millénaire d'année et les biens-faits de l'ambroisie commençaient à s'amoindrir.

Arrivé devant Cassandre, il lui sourit. De toutes les divinités que connaissait la jeune femme, il n'y avait pas plus paternel que le dieu des Enfer. Il s'était montré bienveillant à son égard et plus présent que son père. Pour tout dire, ce n'était pas à Arès ou à Aphrodite que la secrète enfant avait annoncé son départ, mais à l'homme qui se tenait devant elle. C'était sans doute pour cette raison qu'Hadès n'avait pas montré beaucoup de résistance au sujet du portail sur le nouveau monde. Cassandre savait attendrir son cœur simplement en le regardant –au grand damne de Perséphone. Il la regardait encore un peu, se plongeant dans la mélancolie de ses yeux bleus puis toisa l'assemblée.

- Enfants et créatures divines du monde grec, aujourd'hui vous quittez les Enfers. Demain, vous connaîtrez une nouvelle ère dans un monde nouveau où aucune hiérarchie n'est établie. Où il n'y a ni dieux, ni paria ! En acceptant de partir, vous tirez un trait définitif sur l'ancien monde. Il ne vous sera pas possible de revenir sur votre décision. Les portes des Enfers vous seront toujours ouvertes, oui. Mais uniquement de manière ponctuelle. Vous ne pourrez plus vivre dans mon Royaume. Ce nouveau monde sera votre nouvelle maison. Aussi, avant de franchir cette porte, réfléchissez bien. Ni vous, ni moi, ne pourrons retourner en arrière.

Un murmure d'hésitation se fit entendre dans l'intégralité de la foule. Hadès souhaitait que les conditions soient limpides pour tout le monde et il était presque certains qu'une partie de ces voyageurs voulaient franchir le portail uniquement par curiosité. Il les scruta pendant un long moment, puis d'un pas cérémonieux, les invita à franchir le portail.

Cassandre et Araxes avancèrent ensemble, en premier. Ils s'arrêtèrent un instant devant Hadès. Cassandre lui déposa un tendre baiser sur ses joues ridées, promettant de lui donner des nouvelles et lui souhaitant le meilleur. Hadès lui rendit ses souhaits et demanda, également, au dieu-fleuve de bien veiller sur son acolyte. Araxes promis, puis avec Cassandre, ils pénétrèrent dans la trouée. Une lueur blanche les aveugla un court instant. Et lorsqu'ils retrouvèrent la vue, ils se rendirent compte qu'ils foulaient la terre encore vierge d'Eldarya.

Aventure d'une olympienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant