6 - La rencontre

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Le surlendemain, Madame Veyrières pensait toujours à son rendez-vous (puisque désormais elle ne pouvait plus penser à cette sortie autrement que comme ça) avec Madame Kassttar. Elle se torturait volontairement en se répétant à l'envi que rien n'était possible entre elles, ses obligations envers son fils devaient l'interdire, mais dans le même temps elle frissonnait de plaisir en jouant avec l'idée qu'elle plaisait à une personne qui lui plaisait également. À quand remontait la dernière fois où elle avait ressenti ces frémissements des débuts ? À sa rencontre avec Parker. Et la lune de miel avait été courte. Elle restait convaincue qu'une relation bien établie était hors de question entre elle et Inès mais laissait la place à l'idée d'un arrangement moins... normatif. Et cette pensée était absolument délicieuse. Le mouvement de son sein droit venant se coller au gauche lorsqu'Inès se penchait vers elle à travers la table pour mieux l'entendre l'émoustillait au-delà de ce qu'elle aurait pu dire., alors que cela ne lui faisait ni chaud ni froid venant d'une autre femme.

Elle fut tirée de sa rêverie par Léo qui lui demandait s'il pouvait appeler Parker.

— Bien sûr mon cœur, tu n'as pas besoin de mon accord.

— C'est papa qui me demande de lui passer un coup de fil. Il veut parler des vacances d'automne.

Cette information mit Chloë en alerte. Parker n'était pas du tout le genre de à s'investir dans son rôle de parent en anticipant des choses telles que, disons, l'organisation du temps de son fils lors des vacances scolaires. Elle s'occupa tant bien que mal à faire un peu de rangement pendant que Léo discutait avec son père en privé dans sa chambre, sachant qu'il viendrait lui passer le téléphone lorsqu'il aurait terminé.

Après avoir énoncé le traditionnel « allô », elle écouta Parker lui exposer ce dont ils avaient parlé, puis s'enthousiasmer pour les amitiés de Léo et ses bons résultats scolaires. Médusée, Chloë se tint coite tandis qu'il continuait à discourir affablement, se contentant de réponses à un ou deux mots de son interlocutrice. Il en vint au sujet de son appel et proposa de prendre Léo quelques jours pour l'emmener voir ses parents. La méfiance de la jeune femme se raviva : ce ne serait pas la première fois que son ex "organisait" quelque chose dans son coin sans demander leur avis aux intéressés, en l'occurence ses propres père et mère. Certes, ils étaient à la retraite et se montraient toujours ravis de prendre Léo quelques jours chez eux, mais par le passé il était arrivé que Parker les prenne par surprise en amenant Léo sans les avoir prévenu. Pire, une fois il avait demandé à Chloë de déposer leur fils directement chez eux, alors qu'ils n'étaient pas au courant. Même si elle n'était pas responsable et si ses ex-beaux-parents ne lui en avaient pas tenu rigueur, ce souvenir lui laissait un sentiment de honte qu'elle n'avait aucune envie de revivre.

Elle fit une réponse sans s'engager à Parker avant de raccrocher, puis se tourna vers le grand garçon qui trépignait à côté d'elle.

— Je vais aller chez Mamie et Papi Adekoya ? demanda-t-il, se contenant à grand-peine.

— Ça te plairait ?

— Oui, oui !

— Pour moi pas de problème, je les appelle tout de suite pour voir si c'est d'accord de leur côté.

— Trop bien ! s'exclama Léo avant de repartir dans sa chambre avec des gestes joyeux.

"Trop bien" ? Depuis quand son enfant, encore un petit garçon il n'y avait pas si longtemps, avait-il commencé à s'exprimer avec des "trop bien" ? Dans un an c'était le collège, même s'il se serait parfaitement fondu dans la masse dès à présent à cause de sa grande taille. Il était mature également pour son âge, mais il restait un enfant de neuf ans qui comptait beaucoup sur ses parents.

Tant qu'il y aura NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant