La poupée maudite des Emerson

La poupée maudite des Emmerson

Depuis la mort de son père, Emma Emerson restait très souvent seule, enfermée dans sa chambre. Ou du moins pas tout à fait, car en réalité, Emma avait une amie. Elle s'appelait Mme. Addison. C'était une poupée que le père d'Emma lui avait offert avant de mourir. Depuis elles étaient devenues inséparables. Pour le meilleur, comme pour le pire. Mme. Addison était une noble. C'était la poupée la plus belle, la plus élégante et la plus distinguée qui soit. Seule Emma avait le droit de l'approcher et personne ne pouvait se permettre de tutoyer Mme. Addison. C'était une règle chez les Emerson que tout le monde se devait d'appliquer. Après tout, c'était une noble. Encore une particularité de cette poupée, personne ne connaissait son prénom. En effet, le père d'Emma avait acheté Mme. Addison chez un brocanteur. Selon lui, la poupée était un cadeau d'un riche marchand qui voyageait par le monde à sa fille. Mme. Addison et elle se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Seule leur taille pouvait permettre aux gens de les différencier. Seulement, un jour, des malfrats pillèrent la maison de cette famille et assassinèrent tous ses résidents. Néanmoins, la légende raconte que l'âme de la jeune fille se serait installée dans le corps inerte de la poupée et que désormais tous ceux qui l'appelleraient par son prénom ou qui la tutoieraient se verraient maudits jusqu'à la fin des temps.                            

Oui, en voilà une belle légende mais encore une fois ce n'était qu'une légende d'un vieux brocanteur qui voulait apporter de la valeur à son bien afin de pouvoir faire des bénéfices. C'est ce que tout le monde penserait à la place de M. Emerson. Mais ce dernier était un homme qui avait goût pour l'étrange. Et par-dessus tout, il aimait relever des défis ainsi que rendre possible l'impossible. Il avait donc acheté la poupée et s'était empressé de l'offrir à sa fille. Peu de temps après, il était brusquement mort pour une raison inconnue. Emma était très proche de son père alors elle prenait grand soin de Mme. Addison tout en veillant à bien suivre les recommandations de ce dernier. Elle passait ses journées à la coiffer et à prendre le thé avec elle. Au début, Mme. Emerson pensait qu'il était normal qu'Emma passe autant de temps avec cette poupée, car, pour elle, cela l'aidait à oublier la mort de son père. Mais au fil du temps, Mme. Emerson trouvait sa fille de plus en plus étrange. Jusqu'au jour où ce fut trop.

 C'était un après-midi, Mme. Emerson et sa fille avaient été invitées à prendre le thé chez une amie. Cette amie avait une fille du même âge qu'Emma et Mme. Emerson pensait que ce serait une bonne chose pour sa fille de rencontrer des gens de son âge et de parler à de véritables personnes plutôt qu'à sa poupée. Lorsqu'elle l'annonça à Emma, celle-ci refusa de laisser Mme. Addison derrière elle. Cependant, Mme. Emerson refusa de céder et arracha violemment la poupée des mains de sa fille et la jeta près de la cheminée. Heureusement pour Emma, la poupée n'atterrit pas dans la cheminée. Cependant la jeune fille accourue auprès de sa précieuse poupée horrifiée par ce qu'il venait de se produire et ordonna à sa mère de s'excuser auprès de Mme. Addison. Pour Pétunia Emerson, ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Enragée, elle prit d'un geste sec Mme. Addison et cette fois-ci la jeta directement dans le feu. Puis, elle emmena de force sa fille dans sa chambre et l'y enferma pour la journée. 

Emma ne faisait que hurler encore et encore. Elle refusait de se taire, et ce, depuis bientôt deux heures. Pendant ce temps-là, Pétunia Emerson restait assise là, devant la cheminée à regarder avec la plus grande satisfaction le démon qui lui avait pris sa fille se faire consumer par les flammes tout en songeant à la manière dont elle en était arrivée là. Et si son mari ce jour-là n'avait pas offert cette poupée à Emma, peut-être que tout aurait été différent ? Peut-être qu'Emma et sa mère auraient fait le deuil de M. Emerson ensemble et se seraient rapprochées en surmontant cette épreuve côte à côte. Mais le destin en avait décidé autrement pour les Emerson. Soudain, Pétunia n'entendit plus les hurlements de sa fille. Pas même le moindre gémissement. Au début, elle trouva cela apaisant. Mais à force d'y penser elle trouvait surtout cela étrange. Alors elle se rendit dans la cuisine, prit un couteau et monta les marches des escaliers une par une sans faire de bruit. Plus elle se rapprochait de la chambre de sa fille, plus l'ambiance devenait tendue. Tout à coup, elle entendit une petite voix d'enfant chanter une comptine. L'inquiétude qu'elle ressentait auparavant se transforma en une peur effroyable. Cependant, elle continua d'avancer son couteau de cuisine à la main tout en étant extrêmement vigilante et angoissée. Arrivée devant la chambre d'Emma, elle ouvrit lentement la porte. La lumière était éteinte et on ne pouvait apercevoir que la silhouette d'une jeune fille de dos allongée sur son lit en train de dormir. Pétunia fut immédiatement rassurée. Malgré tout, elle souhaitait vérifier que la personne en train de dormir était bien sa fille et surtout si elle dormait vraiment. En effet, Pétunia connaissait sa fille et elle savait qu'elle n'abandonnait pas si facilement. Les deux heures de hurlements auxquels elle avait eu le droit auparavant pouvaient le confirmer. Cependant, comme une mère qui aime son enfant, elle ne souhaita pas la réveiller et se contenta de fermer la porte, de redescendre les marches des escaliers et de retourner à ses songes.