Une heure avant l'alerte.
Le Nuage portait bien son nom. Il planait au dessus de la ville, invisible aux yeux des Algoréens, caché au creux des cumulus. Parfois, quand le ciel était vraiment clair, on pouvait apercevoir une petite ombre au milieu du soleil.
Je regardais souvent la télévision. Tout le monde regardait la télévision, surtout quand il s'agissait du programme annuel qui décrivait en détail la création du Nuage. J'adorais cette émission. On y voyait notre président, Elvis Domoto, la quarantaine, charismatique, qui nous faisait une visite guidée du Nuage depuis son hélicoptère privé. Il l'avait fait construire lui-même.
C'était une sorte de petite île flottante de la taille d'un terrain de football avec une énorme boite noire en son centre. Elle était entourée de câbles, de fils, et d'antennes dans tous les recoins qui pompaient l'énergie présente sur Algore pour alimenter la boite noire. Et à l'intérieur de cette boite se trouvait tout ce qui constituait la particularité de notre précieuse ville. Les hôtes. Ils naissaient là dedans, étaient formés et éduqués là dedans. On leur apprenait l'art du combat dans ce qui s'apparentait à une véritable ville virtuelle, irréelle. On les formait à être des hôtes modèles pour servir la société avec fidélité. Puis ils étaient envoyés sur terre grâce à des puissantes ondes émises depuis de grandes antennes en dessous de l'île. Les tubes du C.R.O. étaient aussi immenses car ils permettaient d'intercepter ces ondes et de mettre ainsi en relation l'humain et l'hôte. Si le pilier humain était « apte » à recevoir son hôte, alors la fusion avait lieue. Sinon, les ondes repartaient en sens inverse.
Dans mon cas, les ondes avaient toujours fait des allers-retours très peu concluants.
À l'étroit dans cette longue boîte de conserve, je tentais de garder mon calme. A l'aide de grandes et lentes inspirations, j'essayais de vider mon esprit de toutes pensées déplaisantes.
"Et si je ne m'entendais pas avec mon hôte ?"
Un bruit d'aspiration commença à s'élever dans le tube en verre.
"S'il était trop possessif et m'interdisait un nombre incalculable de choses ?"
Un souffle balaya ma chevelure brune tandis que je fermai les yeux, bras crispés le long du corps.
"Et s'il me trouvait bien trop naïve ?"
Mon cœur palpita, et mon pouls se répandit violemment dans toutes les parcelles de mon corps.
"S'il regrettait d'être tombé sur une pilier comme moi ?"
Je fronçai les sourcils. Tout mon être me semblait bien plus léger, comme si mes pieds s'apprêtaient à se décoller du sol. Je ne voyais rien. Seul le néant animait mon âme. Ma tête tournait atrocement, le temps me parut défiler à une vitesse très lente. Je sentais une puissante énergie m'entourer. Quelque chose qui me dépassait. Un flux qui me paraissait vivant, qui s'infiltrait dans ma peau et mes organes, et reliait mon être avec quelque chose de mystérieux, une entité immatérielle avec laquelle je me sentais proche.
Mes cheveux courts fouettaient mes joues roses, mais le souffle cessa alors progressivement. Mécaniquement, la porte coulissante du tube s'ouvrit de nouveau. Machinalement, la voix robotique marmonna une phrase enregistrée que j'écoutai à peine. Titubante, je sortis du tube. Tout me parut alors aller très vite. Appuyée contre un mur, je me traînais jusqu'à la sortie du labyrinthe, réalisant qu'avoir trouvé la sortie seule relevait du miracle.
Le hall m'apparut. Les frères Brant, toujours cachés derrière leurs ordinateurs m'apparaissaient comme des tâches floues et mouvantes. La voix d'Oliver bourdonna dans mes tympans :
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L'ANTI-HÔTE [Partie 1]
Science Fiction1ere place du concours de @Manon1005 dans la catégorie SF ^^ (Publication tous les jeudis) "Le projet 8180 a été mis en place par le gouvernement d'Algore, pour assurer la sécurité de ses habitants, sans se soucier du continent. Depuis plus de 30 a...