Enzo - 27 -

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Je suis quelque peu surpris d'avoir reçu un tel message de la part d'Evan. Il m'a demandé de venir le voir à son bureau en fin de journée. Je ne peux que m'empresser de le rejoindre, mais je suis surpris de devoir retourner à l'université alors que je n'ai plus cours. Nous aurions pu nous voir chez l'un ou chez l'autre.

La faculté vide me fait frissonner. Ce calme est particulièrement anxiogène. Ou bien est-ce parce que je n'ai connu ces lieux que remplis d'étudiants qui ne cessent de geindre, discuter ou crier. J'imagine que la comparaison porte en son sein une lourdeur que je ne m'attendais pas à devoir supporter.

J'arrive devant le bureau d'Evan et frappe. Une voix féminine me répond. Une minute. Je patiente donc. Dix minutes. Evan ne s'est pas interrogé sur son visiteur. C'est étrange. Je dois donc continuer à subir le silence. J'entends parfois quelques pas. Des inconnus circulent aussi dans le couloir. J'attends comme un enfant convoqué chez le directeur.

La porte s'ouvre enfin et Madame Samaras apparaît. Je la vois bouleversée, même si elle tente de se reprendre en me voyant. Elle embrasse Evan et le quitte.

« Je compte sur toi pour venir me voir dans les jours qui viennent ».

Aucune réponse d'Evan, qui ne fait que me sourire avant de m'inviter à rentrer. Je m'assois mécaniquement sur le fauteuil, encore marqué par la convocation. Evan s'assoit à côté de moi, surpris sans doute, et dépose une main contre ma joue. Il m'embrasse du bout des lèvres et j'apprécie cette légèreté.

« Tu es particulièrement beau, aujourd'hui, Enzo ».

Je ne peux que répondre par un baiser bien plus passionné qui me conduit à rapprocher nos fauteuils. Ma main s'aventure sous sa chemise, entre deux boutons. Je suis arrêté par un mouvement de tête d'Evan.

« Il faut que tu m'écoutes attentivement, Enzo ».

Je frissonne en constatant le sérieux et la rigueur d'Evan. Ses yeux sont plantés dans les miens et je vois venir la déferlante. Le tremblement de terre. Je ne suis pas accepté en master ? J'ai raté un examen ?

« Je te l'ai rappelé à de multiples reprises, mais... Mon poste d'après-thèse était temporaire. En dépit de tous les efforts de l'administration, aucune offre de fonctions n'a pu m'être faite. Je rejoins Sciences Po Paris à la rentrée. Et je dois déménager dès le début de l'été à cause des engagements que je devrai assurer ».

Tout va bien. Pour moi. Mais pas pour lui. Il s'en va. Je ne veux pas. Il ne peut pas. Pas maintenant. Pas après un an.

« Je souhaitais t'en informer le plus rapidement possible. Tu es le second à savoir pour Paris. Même si j'espérais que tu pourrais être le premier. Irina est venue malheureusement juste avant. Tu comptes pour moi, alors il fallait que tu saches.

— Comment... Comment vais-je continuer ici, sans toi ? J'ai besoin de toi, la faculté n'est rien sans toi.

— Irina sera là, et tant d'autres excellents collègues. Tu es l'un des meilleurs étudiants de la licence, tout se déroulera bien ».

Je vois dans son regard une pointe de déception. Je sais pourquoi. Je n'arrive juste pas à le formuler. Je pose les yeux sur la chevalière à tête de lion. Elle doit me donner de la force.

« Je ne peux pas te suivre à Paris après avoir annoncé à mes parents pour Aix, Evan... Je... Pardon... Mon master est tellement secondaire face à l'idée de te savoir là-bas. Je ne veux pas te voir t'éloigner...

— Tu n'as pas à vouloir changer ta vie pour moi. Aix est ton université désormais. Et ton avenir ne sera jamais secondaire. Tu devras m'en faire la promesse. Je ne serai loin que physiquement. Je reviendrai. Nous nous verrons.

— Je le sais, Evan. Mais, au fond, c'est te savoir loin qui est si douloureux. Peu importe que l'on se voie une ou deux fois par mois. L'essentiel était de te savoir là, juste à côté.

— T'imaginer seul à Aix est une idée que je peine à supporter.

— Ne t'inquiète pas pour moi, réjouis-toi plutôt d'une telle opportunité. D'une telle reconnaissance, dis-je en laissant s'échapper une perle qui dévale ma joue.

— Je n'oublierai jamais, Enzo. Toute l'émotion que tu es en train de contenir et qui, pourtant, se déverse » chuchote-t-il en ayant sa tête dans mon cou.

Ultime évanescence (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant