- Chapitre XII : tournoi de printemps

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-L'amour. Sûrement le sentiment le plus complexe qu'il existe.

La marge de mon cahier de japonais était bientôt noire de dessins (plus sans sens les uns que les autres : du pigeon en passant par des yeux effrayemment caricaturisés jusqu'aux griffonages de tension qui faillirent plusieurs fois transperser ma feuille), et je m'attaquai à celle de la page suivante. Parfois, Tendō m'interrompait en me tendant une feuille cadrillée, et nous faisions des parties de morpions.

-C'est une chose floue et que l'on ne peut pas expliquer scientifiquement ; par conséquent, il nous est incapable de réellement percevoir en quoi ça consiste. Vous connaissez les légendes d'âme soeur et de coup de foudre. Comme dit, ce sont des légendes, et jamais nous percerons le mystère de leur éventuelle existence, la science trop faible encore pour la comprendre. Or, nous savons explorer l'amour sous d'autres angles. Les traits de comportement qui varient, voire la personnalité différée ; les sensations physiques du corps humain... Nous savons également l'exprimer, par des mots, des actions, des regards ou simplement une "liaison" provoquant la compréhension de sous-entendus ou de phénomènes synchronisés. Je penserai aux battements de coeur en rythme, aux réactions spontanées communes et aux pensées, goûts similaires.

Mon stylo se stoppa alors que je perçai enfin la page de mon cahier. Je retins un regard vers mon deuxième voisin de droite, et décidai de me concentrer sur les futures paroles de mon professeur.

-Enfin, nous ne sommes pas en cours de sciences, et encore moins en psychologie. Donc, j'attendrai de vous que vous me rédigiez un texte pour exprimer l'amour, par rapport aux sentiments que vous éprouvez à l'égard d'un être qui vous est cher, ou l'aperçu et la façon dont vous le percevez, ou encore l'opinion que vous avez sur la question. À me rendre lundi prochain.

Misère, pensai-je.

_____________

Le temps passa vite. Trop vite à mon goût. Beaucoup trop vite.

Nous étions mardi ; après les cours, je filai en entraînement.

Le dernier,pensai-je.

Le dernier entraînement avant de stresser constamment, se ronger les ongles jusqu'au sang, refouler d'éventuelles larmes à chaque match - les nôtres ou celui des garçons. L'avant-dernier entraînement avant de subir - positivement ou négativement - mes heures supplémentaires et mon manque de sommeil. J'avais peur de regretter, plus tard, de ne pas m'être ménagée ou de ne pas avoir donner plus, au contraire. J'appréhendais la culpabilité que j'étais certaine d'éprouver lors d'une défaite ; j'appréhendaid ma fatigue et mon impuissance lors des matchs.

Mais j'étais capitaine. Et je n'avais pas le droit de me soumettre à ça, ni même d'y penser.

De plus, on était Shiratorizawa. Shiratorizawa, enfin. Pourquoi se soucier de choses impossibles ? Ce serait comme s'effrayer de l'explosion de la terre, alors qu'elle était prévue dans quelques milliards d'années, par doute.

Je poussai la lourde porte du gymnase, comme depuis des centaines de fois.

Je repensai soudain aux paroles de mon professeur de japonais : " [...] une "liaison" provoquant la compréhension de sous-entendus ou de phénomènes synchronisés. Je penserai aux battements de coeur en rythme, aux réactions spontanées communes et aux pensées, goûts similaires. "

"phénomènes synchronisés"

"phénomènes synchronisés"

"phénomènes synchronisés"

Ces mots résonnèrent dans mon crâne quand je me retrouvai nez-à-nez avec Semi.

-Hello, me lança-t-il.

-Qu'est-ce que vous faites là...? L'interrogeai-je en fronçant les sourcils, apercevant l'équipe masculine fondue avec la féminine.

-Nos coachs souhaitaient nous parler de choses qui concernaient les deux équipes, comme les trajets, le gîte, ou l'organisation des matchs, puisqu'on n'aura pas le temps jeudi, avec le minimum de cours à suivre pour pas tout rattraper... Enfin bref, entre, t'es en retard.

Je ne me fis pas prier, ne souhaitant pas me faire sermonner par mon coach pour mon retard si inhabituel, en tant que capitaine.

-Bien ! Maintenant que tout le monde est là, commença Monsieur Washijo avec son air intimidant, je vais pouvoir vous causer des grand jours.

Je trouvais que l'on apportais trop d'importance à l'organisation du voyage. C'était pourtant une habitude, d'aller jusqu'en finale, pour chaque équipe, et les évènements se répétaient chaque année. Pourtant, les coachs s'investissaient tant au point de créer des réunions pour nous informer que les toilettes étaient au fond du couloir, dernière à droite. Pour l'instant, je m'impatientais juste du temps perdu et souhaitais rapidement reprendre l'entraînement.

Je m'assieds, et Semi fit de même à mes côtés, tandis que nous passâmes un bon quart d'heure sur les horaires des trajets en bus, la répartition des dortoirs, les repas, les douches, etc...

Nous finîmes par enfin nous entraîner, quittant les garçons qui rejoignaient leur gymnase, alors que ma tension commençait déjà à remonter mes nerfs, jusqu'au cerveau. Mais j'étais capitaine. Ce pourquoi je tentai de me retenir de hurler dans le sol après avoir fait sortir la balle une dizaine de fois lors d'un smash. Je le fis tout de même, au bout d'un moment. Ça m'avait fait un bien fou.

_____________

-Tu vas me manquer, t/n.

-Deux jours ?!

-Quand même.

Ce mardi soir, t/ma et moi avions décidé de passer la nuit ensemble, comme une "soirée pyjama". Nous étions chez moi, dans ma chambre. T/ma était assise sur ma chaise de bureau, une jambe relevée, en train d'appliquer du vernis sur ses ongles. Moi, je faisais des parties d'un jeu vidéo sur mon téléphone, à l'envers, les jambes appuyées contre le mur et l'écran tenu au-dessus de mes yeux fatigués par les rayons.

-En plus, il y aura toute l'équipe des volleyeurs... Au petit-déj, aux pauses, à regarder des films et jouer à des jeux de société... marmonna ma meilleure amie en faisant la moue.

-Haha, t'emballe pas, ça m'étonnerait que je regarde Titanic blottie contre Ushijima à manger du pop-corn.

T/ma explosa de rire.

-Et puis, on va surtout se concentrer sur le volley et on passera les trois quarts de notre tant libre à s'entraîner, au dernier moment, ou à dormir, pour prendre des forces.

-Mouais... N'empêche, j'aurais aimé pouvoir venir et vous encourager. Foutus cours. En plus, il y aura pleins de gens du lycée dans les gradins, une élève de plus ou de moins en classe, qu'est-ce que ça peut bien faire ?

-Si tu parviens à négocier avec tes parents et tes profs pour rattraper, préviens-moi.

Je me redressai, posant mon téléphone pour me retrouver face à elle.

-Bon, dit-elle au bout d'un moment, en tout cas, t'as intérêt à remporter vos matchs, si je suis pas là. Et en prime, si tu pouvais me raconter ce qui s'est passé au gîte... en particulier avec Ushijima...

-Pfff, t'as vraiment une obsession pour ce gars, c'est inimaginable.

Elle leva les yeux au ciel et rougit légèrement.

-Et toi donc ? Me lança-t-elle, un air de défi.

-De qui tu parles ? L'interrogeai-je, fronçant les sourcils, perplexe.

-Bah le numéro 3, Semi, là !

-Imbécile, soufflai-je en lui jetant un coussin en pleine face.

-Mon vernis !! S'écria-t-elle d'une voix aigüe, telle une gamine. Enfin, vous allez bien ensemble, ajouta-t-elle tout bas.

Je lui dégaina un millième doigt.

OUR SONG || 𝑆𝑒𝑚𝑖 𝐸𝑖𝑡𝑎 × 𝑟𝑒𝑎𝑑𝑒𝑟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant