Chapitre 3.2 - rework

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Wassalie

Dès que nous avons franchi la frontière, je sens la tension qui émane de mes compagnons de voyage se relâcher. Ils sont rentrés chez eux. Quant à moi, je suis prise d'angoisse à l'idée d'être définitivement sortie du royaume de Tehrenne.

Je suis frappée par la beauté des vallons parsemés de fleurs multicolores que nous traversons. La fin de l'hiver approche à Myrtha où le printemps s'invite tout doucement. Il y fait beaucoup moins froid que sur mes terres natales où le climat est plus rude.

Nous traversons de nombreux ponts surplombant des rivières à l'eau claire. Nous longeons également des champs de culture comme je n'en ai jamais vus. Quelle abondance !

Nous rencontrons des paysans que nous saluons discrètement, Egon ne tenant pas à être reconnu.

Comme à Tehrenne, nous évitons les villes et campons sur des routes ou dans des clairières isolées. Le rythme est toujours soutenu mais nous ne craignons plus pour nos vies.

Après dix journées supplémentaires de chevauchée, les tours et les murailles de la cité royale de Myrtha se dressent enfin devant nous. Je ne peux qu'admirer la ville dont les pierres blanches étincelantes rappellent le Dieu Soleil. La cité est immense, cerclée par une haute muraille. Le Palais est hissé sur une colline en plein cœur de la ville, fier et impressionnant. Ses tours sont tellement hautes que certaines d'entre elles finissent dissimulées dans les nuages.

— Bienvenue à la Cité Royale de Myrtha, murmure Diego en voyant ma mine émerveillée.

Nous contemplons la ville depuis le sommet d'une colline, offrant une vue imprenable sur sa grandeur et sa magnificence.

— Nous allons rallier le château via un souterrain afin de ne pas nous faire remarquer mais dès qu'on en aura l'occasion, je vous ferai visiter la cité, ses monuments et ses trésors, il me promet.

Nous chevauchons une bonne heure dans les vallons avant de nous arrêter devant une paroi rocheuse. Egon descend de son cheval et se place face à elle. Il récite quelque chose en fermant les yeux avant d'attraper un poignard accroché à son ceinturon. Il s'entaille légèrement le pouce pour faire couler une goutte de sang sur la terre.

Que fait-il ?

L'air vibre soudain autour de nous et la paroi rocheuse disparait, laissant place à l'entrée d'une grotte.

— Ce tunnel a été creusé par les ancêtres d'Egon, m'explique Diego alors que les chevaux s'engouffrent à l'intérieur. Seule sa lignée peut en révéler l'existence.

— C'est une illusion puissante, je constate.

— Pyrho, le premier roi de Myrtha, était un ami intime de Guildor, le Roi Immortel qui a combattu l'armée du démon Narh'Abin, à l'époque du grand chaos. Pour remercier Pyrho de son soutien, Guildor lui a offert trois pierres magiques. L'une permettait au Roi de guérir n'importe quelle blessure physique. La seconde, de créer des illusions. Et la troisième, incrustée dans le pommeau de l'épée d'Egon, d'invoquer le pouvoir de la Lumière pour terrasser les démons s'ils venaient à réapparaitre. Cette épée se transmet aux hommes de sa lignée de génération en génération.

— Je suppose qu'elle porte un nom ?

— Pyrho l'a nommée Guildor, en hommage au Roi Immortel.

— Et que sont devenues les autres pierres ? je m'enquis tandis que nous nous enfonçons dans les profondeurs.

— La pierre d'illusion a été volée il y a quatre cents ans lors du siège de Myrtha par le royaume de Krahr, pendant la Guerre des Sangs. Personne ne sait ce qu'elle est devenue. Et avant que tu ne me demandes : « et la troisième ? », celle-ci est sertie sur la couronne de la reine. À Myrtha, le Roi symbolise la force et la puissance tandis que la Reine incarne la miséricorde et la bonté. Cela ne te dérange pas que je te tutoie, Wassalie ?

— Non, pas de problème. La mère d'Egon doit être une femme remarquable.

— Était... me corrige-t-il. Elle est morte il y a bien longtemps.

Je fronce les sourcils. Je comprends déjà mieux la froideur et la dureté du jeune prince héritier. J'ai moi-même perdu mes parents. Et rien ni personne ne peut remplacer la chaleur et la douceur d'une mère.

L'air est humide et une odeur de renfermé plane dans le tunnel. Des torches accrochées sur les parois s'allument et s'éteignent au fur et à mesure que nous avançons, sans nul doute alimentées par la magie. Tout est très silencieux. On n'entend que le claquement des sabots et les gouttes d'eau qui ruissellent le long du plafond pour venir s'écraser au sol dans les flaques.

Après deux heures interminables, nous arrivons enfin au bout du tunnel. Une porte épaisse et ronde en fonte nous barre la route. Egon descend de cheval et s'en approche. Comme précédemment, je l'entends réciter quelque chose avant qu'il ne s'entaille le doigt pour faire couler son sang. La porte émet un grincement avant de s'ouvrir avec lenteur.

Nous mettons alors pied à terre. Je suis les hommes vers la sortie dans le silence le plus total. Ils sont tous dissimulés sous leurs manteaux et leurs capes et avancent tête baissée.

Je jette un coup d'œil aux alentours. Je découvre que nous nous trouvons dans une écurie et qu'il fait nuit. Mes compagnons de route récupèrent leurs bagages et s'éloignent, à l'exception de Ven qui s'occupe des chevaux.

Nous sortons de la grange les uns derrière les autres. J'inspire l'air frais de la nuit. Nous nous hâtons de gagner un chemin qui nous conduit à l'entrée d'une cour. Quelques domestiques vaquent à leurs occupations. Ils ne nous remarquent même pas. Nous longeons un mur avant d'emprunter une porte donnant accès à un bâtiment. Les cuisines de toute évidence, d'après les odeurs agréables qui flottent autour de nous. Je ne peux m'empêcher d'avoir l'eau à la bouche en sentant les arômes d'agrumes, de beurre cuit et de viande rôtie.

Depuis combien d'années n'ai-je pas mangé un vrai repas ?

Diego me tire par la manche. Je ne m'étais pas rendue compte que je n'avançais plus. Nous gravissons un escalier en pierre pour nous retrouver dans un grand hall. Il fait sombre. Seules quelques bougies allumées sur des chandeliers permettent de se repérer.

Diego se retourne alors vers moi et extrait un bandeau de sa poche.

— Ne le prends pas mal, Wassalie, mais, à partir d'ici, je suis obligé de te bander les yeux. Nous allons accéder aux appartements privés de la famille royale. Peu de personnes ont le droit d'y pénétrer.

— Je comprends.

Il se place dans mon dos et pose le tissu noir sur mes yeux. Il le serre légèrement pour qu'il tienne en place avant de le nouer à l'arrière de mon crâne.

— Si tu le permets, je vais te guider, me propose-t-il.

— Où allons-nous exactement ? je lui demande tandis qu'il me prend la main, m'invitant à avancer.

— Voir le Roi.

— Tout de suite ?

— Le temps nous est compté. Plus vite il t'aura expliqué de quoi il retourne, plus vite tu pourras te mettre au travail.

Je sens mon pouls s'accélérer. Je vais rencontrer le Roi de Myrtha au beau milieu de la nuit alors que je viens de chevaucher pendant trois semaines, que je suis épuisée et sale. Que va-t-il penser de moi ?

Nous marchons longuement, montons plusieurs escaliers, ce qui me laisse penser que le Roi loge au sommet du Palais. J'entends des portes s'ouvrir tandis que Diego me pousse à l'intérieur d'une pièce.

Il y fait chaud. Une douce odeur de livres et de parchemins caresse mes narines. Je tressaille lorsque le Sang-Mêlé pose ses doigts sur mes cheveux pour dénouer le bandeau. 

EROBYE - Tome 1 : Le MiracleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant