50 | Le loup et l'agneau

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EMILIO

J+ 6

05h54

Villa Grimaldi, Agrigente, Italie

    

Vous vous rappelez quand je vous disais que j'avais le sang chaud ?

Je ne sais pas comment j'arrive à ne pas foutre mon putain de poing dans la tête de ce chien qui la bouscule dans le couloir comme si ce n'était qu'une poupée gonflable. J'entends le sang dans mes veines m'ordonner d'intervenir mais ma raison sait bien que ce serait du suicide alors je sers mes poings et les suis à distance, me contrôlant du mieux que je le peux quand ce connard ne lui indique pas le meuble dans l'allée et qu'elle se prend le coin de la commode en plein ventre avant de crier de douleur.

Si tout ceci n'était pas ce qu'il était, j'aurais ri et je l'aurais traité de bouffonne. Là, j'ai juste envie de la prendre dans mes bras et lui dire que tout va bien. Je vois qu'elle a peur, je l'ai senti à cette hargne qu'elle met trop d'ardeur à entretenir pour qu'elle soit crédible. Je suis incapable de détacher mes yeux de sa silhouette tremablante et je la revois comme elle était sur l'île, si prompte à se moquer de ma vieille tête ou à m'insulter de tous les noms.

Je savais qu'elle jouait le rôle de la grande gueule mais je ne pensais pas qu'en avoir le cœur net me donnerait tant envie de la protéger de ce qu'il va lui arriver maintenant. C'est comme si maintenant que je suis conscient de sa fragilité, je n'arrive plus à la laisser m'échapper.

Ce garde, qui risque de voir son espérance de vie écourtée s'il continue à l'insulter à chaque nouveau couloir que nous empruntons, finit cependant par arriver devant la pièce de tous les tourments. La putain de Chambre Noire dans laquelle il va l'enfermer pour laisser le silence et l'obscurité la rendre complètement folle.

Bien sûr, pour tester encore un peu plus les limites de ma patience, Arturo nous attend devant la porte, adossé au mur comme s'il était le maître des lieux. Je lui souris de manière terriblement arrogante et aboie en passant à sa hauteur. Ses joues creusées par la drogue tremblent sous l'insulte et il pince les lèvres mais j'arrête bien vite de rire en voyant le regard qu'il lance à Julia et à son corps sublimé par son indécente robe noire qui a failli me faire recracher mon champagne hier soir.

Je risque de commettre un meurtre encore plus tôt que prévu.

Je lui bouche la vue en faisant obstacle avec mon corps, l'empêchant par ailleurs de voir la main que je pose sur le poignet de Julia qui tremble en réponse. Le garde cherche dans sa poche la clé de la Chambre alors que mes ongles s'enfoncent dans la chair si douce de la blonde à mesure que les images de Cal refont surface. Je le revois anéanti après avoir passé trois jours dans cette maudites pièce et complètement détruit la fois où il y était resté plus d'une semaine.

Je n'étais pas assez important pour qu'on me brise de cette manière, pour mériter un châtiment aussi étudié. J'avais les yeux trop bridés pour un Italien, m peau était trop pâle pour un Sicilien et j'étais trop différent pour être un Grimaldi : en fait, la Cosa Nostra n'est juste qu'un bon groupe de fils de putes aussi racistes que vaniteux. Pourtant, ils trouvent toujours le moyen de vous faire ployer l'échine pour vous soumettre à leurs règles.

La mort de mon père a suffi à me faire baisser les bras de la résistance parce que je suis un putain de lâche qui préfère l'humour à la tourmente. Au contraire, Grimaldi a dû tout voler à Caleb pour qu'il arrête de se battre.

Je ne sais plus comment il s'appelait ; j'ai oublié. J'ai laissé son souvenir m'échapper pour laisser Cal se voiler la face. Nous voiler la face plutôt. Je crois que je refusais de rappeler à mon frère celui qu'il avait dû perdre pour avoir une famille aussi merdique que la nôtre.

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant