Chapitre 5

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J'ai faim, j'ai si faim que ma tête tourne, que mon estomac se tord douloureusement et que mes dents me font de plus en plus mal. Je les sens se tendre, me coupant les gencives et faisant couler mon hémoglobine. Ce qui décuple mon appétit.

Alors que le vent s'engouffre sous mon pull noir, la brise fraîche me caresse le ventre ainsi que le visage. En inspirant profondément ce vent vivifiant, une odeur entêtante de poils, de terre et d'herbe emplit mes narines. Je tourne légèrement la tête en direction de la personne qui me porte depuis le saut du second étage du château, et rencontre des yeux rubis qui me contemplent. Il a un fin sourire aux lèvres, ce qui déforme sa marque sur son menton. Je scrute Ianatan d'un peu plus près, ses cheveux blonds sont presque laiteux, sa cicatrice qui a blanchi avec les années est presque transparente et son regard triste examine en détail la forêt devant nous. Je me dis même que ses yeux rubis lui donnent un charme.
 En humant une nouvelle fois l'air, je m'aperçois que le parfum de poil s'est rapproché de nous, ou plus précisément l'homme qui me tient dans ses bras nous en a rapprochés et mon ventre gronde de plus en plus. C'est en inspirant encore que je remarque un filet de bave sur le bord de mes lèvres et que je vois flou.

— Sois patiente, Val. On s'en approche, mais surtout ne me mord pas. Me supplie-t-il.

Je scrute son cou. Une veine pleine palpite, comme un appel à plonger mes crocs à l'intérieur. Ce sang n'a qu'une envie : que je m'en délecte. Un gargouillis me sort de mes pensées alors que je ne l'ai pas quitté du regard, depuis une vingtaine de secondes.

— J'ai faim...

— Je sais ma...

Ian n'a pas eu le temps de finir sa phrase, qu'une bourrasque remplie de cette douce odeur de poil m'arracha de ses bras d'un bond. J'atterris à une dizaine de mètres devant nous et me mets à filer à toute vitesse vers cette bête qui abreuvera ma soif. Il faut absolument que je m'éloigne de lui. Mes pieds me donnent l'impression d'effleurer le sol, me permettant de courir à une vitesse folle. Finalement, je ne suis plus humaine et cela ne devrait pas m'étonner. L'air frais éparpille mes cheveux dans tous les sens et mon nez devient plus sensible à l'approche de mon repas. J'accélère le rythme au moment ou j'entends très distinctement des pattes écraser des branches mortes et mastiquées de l'herbe. Après quelques minutes de courses, je l'aperçois près d'un arbre à se frotter contre un tronc, si inoffensive, et si appétissante. Je ne suis pourtant pas une personne qui aime la chasse, où blesser les animaux, mais cette biche m'attire inexplicablement à elle me faisant saliver à l'excès.

Haletante et affamée, je ne résiste pas une seconde de plus pour lui sauter dessus. Immobilisant la tête de la bête sous l'un de mes bras, je plante d'un coup sec mes dents qui s'enfoncent sans effort dans son cou si tendre et je me délecte de son sang aussi chaud que délicieux. J'aspire lentement d'abord, puis frénétiquement. Je ressemble à une folle avec mes grognements, mes yeux exorbités et de l'hémoglobine qui perle à la commissure de mes lèvres. Je me repais sans pouvoir m'arrêter, perdant la notion du temps. C'est en apercevant Ian me fixer avec une fierté morbide que je m'interromps. Une petite part de moi, tout au fond de mon cœur, le trouve d'une beauté à couper le souffle et je me sens à mon tour gonflé de joie. J'ignore si c'est le fait de lui faire plaisir ou autre chose, mais ma poitrine me fait mal de bonheur.

— Puis-je ? me demande-t-il en désignant mon repas.

À mon air perdu, il me sourit de toutes ses dents, laissant apparaitre ses canines aussi pointues que les miennes.

— Puis-je la gouter ? Je me nourris rarement de biche, et elle semble appétissante.

— Oh oui, excuse-moi...

Quand il se penche sur l'animal, ses cheveux blancs comme neige retombent sur les poils de la bête, ses ongles se plantent dans sa chair et lâche un grognement de satisfaction à la première gorgée. Gênée par le sentiment que cette scène éveille en moi, je détourne le regard et commence à jouer nerveusement avec mes doigts tout en l'attendant. Une fois terminé, il se relève et empoigne la biche comme si ce n'était rien d'autre qu'un simple sac de courses. Tout en me dirigeant vers le château, je ne quitte pas mes chaussures des yeux, perturbé par cette intimité et par les paroles de mes amis qui résonnent encore dans ma tête. Après de longues secondes de silence, Ian s'arrête et me fait face.

— Tu comptes me poser ta question ?

Valentina Tome 1 : un monde nouveauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant