Aventure d'une olympienne

Chapitre 05

Le jeune homme se tenait appuyait contre une colonne au chapiteau orné de figure florale typique de l'architecture d'Aeruisce. Son regard semblait se perdre à l'horizon, loin dans les vastes plaines qui se dessinaient à la sortie de la cité. Sur leurs herbes vertes, se dessinaient de minuscules points se mouvant dans la cadence particulière des montures de voyage. Il devenait de plus en plus difficile de distinguer les formes humanoïdes qui les chevauchaient, fusionnant petit à petit avec eux, à mesure qu'ils s'éloignaient vers l'horizon. Pourtant, même s'il ne pouvait plus rien distinguer, le jeune homme restait immobile, pensif, laissant quelques brises fraîches du matin jouer avec quelques-unes de ses mèches émeraude.

-Tu étais là, alors.

Un constat, plus qu'une question. La jeune femme savait parfaitement où il se trouvait depuis le début. Il le lui avait fait comprendre la veille lorsqu'elle l'avait invité à le rejoindre pour le départ de leur jeune sœur. Altès ne l'avait pas encore reconnu, mais le départ de Cayline l'affectait plus qu'il ne voulait l'admettre. Plus encore que leur père qui avait voulu, jusqu'au bout, différer le départ. Leur mère ne serait pas intervenue, Araxes l'aurait empêché. Il avait avancé un nombre important d'arguments caducs à sa femme pour la convaincre, il avait même tempêté. Un peu. Pas très longtemps. Cassandre avait un don pour contenir l'impulsivité immature de son époux. Le jeune homme avait été un témoin auditif de ces scènes et, secrètement, il avait espéré que son père finisse par avoir le dernier mot. En vain.

De son pas calme, sa grande sœur avançait vers lui. Il pouvait entendre ses sandales doucement frapper les pierres calcaires de la terrasse. Sans l'apercevoir, il imaginait ses longs cheveux bleu ciel se mouvoir au rythme de sa démarche apaisée et de la brise continue ainsi que sa robe légère et élégante. Il sentait dans son dos son regard ambré qu'ils partageaient tous avec leur père et un doux parfum de lys s'intensifiait dans ses narines, à mesure qu'elle approchait. Il ne posa ses yeux sur elle que lorsqu'elle fut parfaitement à côté de lui, le visage tournait vers cet horizon encore légèrement brumeux mais vert.

-Si cela peut te rassurer, Cayline n'a pas fait la moindre remarque au sujet de ton absence.

Une voix douce proférant des mots acérés. Altès sentit son cœur se serrer. Pourtant, il aurait dû en être heureux. Cette sœur qu'il ne pouvait réussir à aimer. Cette sœur qui prenait bien trop de place au sein de sa famille. Elle s'en était allé maintenant. Loin, bien loin d'Aeruisce et des siens. Il n'avait pas voulu lui dire au revoir tout simplement parce qu'elle ne signifiait rien pour lui. La saluer aurait été une occasion, pour elle, de croire qu'elle comptait un peu pour lui, n'est-ce pas ? Alors pourquoi se sentait-il si triste ? Pourquoi ses yeux se dirigeaient encore vers l'horizon où il ne distinguait plus personne ? Pourquoi n'avait-il pas trouvé le sommeil cette nuit et qu'il s'était placé là, contre cette colonne, loin du regard de tous, se contentant seulement d'écouter la préparation puis le départ de Cayline ? Aucune réponse convenable ne lui venait à l'esprit et la colère commençait enfin à poindre dans son esprit. Cette petite sœur était encore bien plus désagréable maintenant qu'elle était partie. Elle occupait son esprit et déchirait son cœur. Cruelle.

Ses poings se serrèrent, sa mâchoire se crispa et enfin, Altès réussit à se décoller de cette colonne qui le soutenait depuis des heures. Il regardait son ainé puis commença à partir sans rien dire jusqu'à ce que Chryséis, d'un geste tendre, lui attrape le poignet.

-Quand te rendras-tu comptes que tu aimes notre sœur plus que n'importe qui d'autre ?

-Tu dis n'importe quoi, répliqua-t-il d'un ton acerbe.

Il se dégagea d'un geste sec de l'emprise de sa sœur, laissant la colère envahir petit à petit son être. Non, sa sœur adorée disait faux. Maintenant, il pourra enfin la retrouver tel qu'elle avait été, vingt-un ans auparavant. Avant que sa mère fasse l'erreur de mettre au monde ce troisième enfant qu'ils auraient dû abandonner, elle et son père. Elle ne servait à rien. Sauf peut-être à un mariage politique. Mais même cela, elle l'avait refusé et avait convaincu ses parents. Elle n'avait été qu'un poids pour la famille Péseithéos.