Le grand froid

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La tempête de neige battait son plein. Rebecca, future soldat, marchait en ligne, derrière les autres candidates. C'était le test ultime, aujourd'hui. Elle appliquait les techniques vues en classe pour résister au froid extrême ; le plus dur, c'était le mental, le corps pouvait résister. Elle songeait donc sans relâche. Elle pensait à sa vie d'avant, sa vie où le monde était encore agréable. Sa vie d'adolescente qui commençait, sa vie ambitieuse, palpitante. Rebecca voyait ses amis, sans doute décédés aujourd'hui. Soudain, elle pensa à Loup, au doux visage de Loup.

C'était son copain. Jadis, ils étaient très amoureux. Depuis dix ans, sa présence était un rêve, sa voix un mirage, et son visage, un trésor. Un trésor perdu. Comment serait-il aujourd'hui, si il avait survécu ? Rebecca l'imaginait à l'âge d'homme, le prenant dans ses bras...

Une rafale plus forte que les autres ramena la jeune fille dans la réalité. Elle prit soudain compte du vent, de la neige et de la température. Aujourd'hui, le thermomètre annonçait -37°c. Il fallait penser à autre chose.

Quelque-chose de bouillant. Welton. Le bourreau toujours en vie. Rebecca avait plusieurs scénarios où elle exterminait le milliardaire dans des circonstances sanglantes. Son préféré, c'était quand il mourrait dans les mêmes conditions que son frère. Seul, faible, vulnérable, nu, au milieu de la neige.

Ses réflexions lui permirent de marcher plusieurs heures sans renoncer ; 7 de ses camarades avaient abandonné, il restait désormais une vingtaine de concourantes. La nuit tombait, et les futures femmes-soldats arrivèrent dans un petit bunker, "refuge" de cette expédition.

Rebecca s'isola. Elle sortit son MP3 et mit "Rómpelo", histoire de... décompresser. D'un coup, tout les problèmes s'envolèrent. Le pouvoir de la musique. Rebecca se leva, et poussa la table présente dans la pièce. Break Dance. Elle s'imaginait avec ses amis, sous des lumières multicolores, entrain de sauter, chanter, hurler. Pendant plusieurs minutes, c'était le bonheur absolu, les dances étaient tellement physiques, que Rebecca suait. Elle était ivre de joie, la mélodie l'entraînait, la droguait.

Au bunker principal, Léna était inquiète. Inquiète pour sa fille, mais également pour sa communauté. La politique apocalyptique ? Où Welton voulait-il en venir ?

Comment la communauté allait-elle survivre, sans aide extérieure ?

Léna espérait que Rebecca s'en sortait bien. Elle était forte, très forte.

Il faisait nuit désormais, mais Léna n'arrivait pas à dormir. Elle débattait avec elle-même dans sa tête. Le pardon est-il toujours possible ? Jusqu'à quel niveau ? Faut-il pardonner pour sauver ? Dans le cas de Léna, pour sa communauté, elle serait prête à tout sacrifier. Ravaler sa défensive contre Welton, peut-être, cohabiter, jamais. Il fallait trouver l'entre deux. Mais, après avoir survécu à l'apocalypse, la rancune humaine n'est-elle pas ridicule ? Quelques millions de survivants, et faire la guerre ? Au point où l'humanité est, pourquoi ne pas vivre, comme on le rêvait autrefois ; tous ensemble, dans la joie, la fête permanente. Parfois, Léna pensait à ça, malgré elle. Tout abandonner, faire festins sur festins, danser, chanter, jusqu'à ce que plus rien ne reste. Mais non, c'était impossible. L'humanité, fragile, devait perdurer.

Léna ressentit soudain une violente vibration. Elle se leva, s'habilla et sortit des ses appartements.

Dans les couloirs, les quelques personnes présentes semblaient indifférentes. Bonne nouvelle, rien de grave devait être entrain de se passer.

Léna passa devant ce qu'elle appelait "la galerie d'art" ; un couloir où est exposé sur les murs des tableaux de paysages, imprimés en grand format. Chaque image représentait une partie de la planète. Des montagnes enneigées portaient le ciel, des plages de galets s'allongeait sous la mer. Un arbre veillait sur la prairie couverte d'herbe, et des rochers immenses figuraient là pour l'éternité.

Politique ApocalyptiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant