Chapitre 1-2

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Les années avaient passé et beaucoup de personnes conservaient une haine profonde ainsi que du mépris pour les Wynersids. Tandis que d'autres affirmaient que les Wynersids et les monstres qui les servaient n'étaient que des créatures de légendes n'ayant jamais existées. Peut-être espéraient-ils ainsi atténuer l'horreur de cette guerre qui avait ravagé la Tobrea. Pourtant, depuis peu, un nombre croissant de personnes bien informées en parlaient de nouveau comme d'une réalité. Les récents événements qui avaient eu lieux dans le sud-ouest des Terres Fluviales rappelaient aux Tobréens que, plus d'un siècle auparavant, des créatures sanguinaires avaient déferlé sur leurs terres, bien décidées à tuer chaque humain présent sur cette partie du monde. Si les Tobreens vivaient paisiblement aujourd'hui, ce n'est qu'au prix d'innombrables vies perdues. Au bord de l'anéantissement, le Kenolac, territoire au-delà de la mer de l'exil à l'est, et les Maitres du Nord étaient venus en aide aux Tobreens. Cette alliance mit fin à l'invasion et les Wynersids quittèrent la Tobrea. Elouan ne connaissait pas tous les détails de la Grande Guerre et il n'avait pas forcément envie d'en savoir plus. Moins il en entendait parler et mieux c'était pour lui.

Dans l'après-midi, Il rencontra un fourreur qui ouvrit des yeux comme des soucoupes quand Elouan sortit de sa deuxième besace une peau de renne aux poils d'hiver. La fourrure épaisse était magnifique et le fourreur n'hésita pas à en donner trente pièces. Les peaux de rennes constituaient un produit de luxe pour les gens du sud. Ses besaces vides, il se décida enfin à parcourir la place pour faire les achats qu'il avait prévus. C'est seulement en fin de journée qu'il s'arrêta devant la boutique d'une marchande d'huiles. Une grande fenêtre laissait entrevoir une jeune fille aux cheveux blonds bouclés, retenus en chignon, et s'affairant devant des étagères remplies de flacons. Quand il rentra dans la boutique, les odeurs d'encens et d'huiles parfumés assaillirent ses narines, presque d'une manière désagréable. Certains mélanges d'essences n'étaient pas des plus heureux.

- Bonjour Olva, salua-t-il avec le sourire.

La jeune marchande se retourna et lui adressa à son tour un sourire. Elle avait un visage lunaire entouré par des boucles blondes rebelles qui dégringolaient de sa coiffure. Ses yeux noisette étincelaient de malice. Sa robe, couleur saumon au corsage brodé, soulignait le teint laiteux de sa peau. Le tablier ivoire qu'elle avait accroché à sa taille était orné de broderies de fleurs dans le coin inférieur gauche. Elle le lissa machinalement en s'avançant vers le garçon.

- Bienvenu, gamin ! Lança-t-elle sans se départir de son sourire.

Gamin... C'était la deuxième fois en l'espace de deux jours qu'on l'appelait ainsi. A quinze ans, l'entendre de la bouche d'une jeune fille de trois ans son ainée était plus désagréable que de l'entendre d'une vieille femme acariâtre. Elle passa derrière son comptoir et appuya ses coudes dessus. Avec amusement elle le scruta.

- Ne fais pas cette tête, Elouan. Tu es probablement mon plus jeune client. Tu es comme un frère pour moi ! Elle se redressa. Alors, que me vaut ta visite aujourd'hui ?

- Je suis venu voir si tu avais l'huile parfumée que je t'avais commandée.

- Oui, je l'ai. Je l'ai mise de côté pour toi.

Elle sortit de derrière le comptoir et entra dans l'arrière-boutique que dissimulait un lourd rideau beige. Au bout d'un moment, elle réapparut avec un flacon au verre fumé, rempli de la précieuse huile.

- Une huile parfumée à la rose, c'est bien ça. Tu as eu de la chance, j'en ai eu très peu. Elle m'est parvenue par la dernière caravane qui remontait d'Ilesa. On m'a informé que le parfumeur qui produisait ces huiles avait quitté Ilesa, comme beaucoup d'autres, pour se réfugier à Ternoc. Quel dommage ! Le parfum de ces roses était vraiment particulier et rare.

L'héritage de DoanacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant