ᴄᴀᴘɪᴛᴜʟᴜᴍ I ; 𝑑𝑖𝑠𝑒𝑢𝑠𝑒 𝑑𝑒 𝑏𝑜𝑛𝑛𝑒𝑠 𝑎𝑣𝑒𝑛𝑡𝑢𝑟𝑒𝑠

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« Le sort est du côté de celui qui l'invoque ! »









Clap, clap, clap.









Clap, clap, clap.









La foule la contournait, comme une armée de fourmis rouges autour d'une intruse de couleur noire ; les tambours assourdissants des marchands et les cris provenant des étalages sollicitaient avec joie l'espérance et la bonne humeur de cette fille, frétillant sur le passage.

Mais, peu importe toutes les pirouettes qu'elle pouvait entreprendre, les passants faisaient visiblement toujours semblant de ne pas la voir !

Fidèle à elle-même et à cette joie qui la transportait à chaque instant, elle avait transformé cette inconsidération en sortilège l'ayant rendue invisible.

Quelle malédiction d'avoir autant de talent en magie ! Si elle avait eu assez de pouvoir pour se changer en être transparent, elle n'avait pas été assez douée pour se redonner des couleurs.

Elle se croyait pourtant assez voyante avec tout son attirail. Elle avait le parfait équipement pour formuler des voeux et les envoyer à Dieu : des emas étaient accrochés un peu partout sur elle, comme des feuilles sur les branches d'un arbre.

Ses clapets, maculés de clinquantes prières, claquetaient encore comme des coques d'anacardier, car il lui fallait faire décamper les corps maléfiques qui croupissaient près d'ici.

Ces bruits agaçants se confondaient avec la clameur rythmée qu'induisaient ses getas, lorsqu'elles rencontraient le sol sableux de cette allée marchande. C'est ici qu'elle passait ses journées, à crier jusqu'à s'enrouer la voix, et à danser en laissant ses vêtements voler aux vents.

Lorsqu'un passant daignait ralentir pour observer l'étrangeté, elle se jetait sur lui et lui tendait avec empressement ses talismans, dont la calligraphie maladroite attestait tout de même d'une tendresse dans son écriture. Et elle s'écriait, les yeux pétillants comme les roches brunes au fond des récifs :

"Souhaitez-vous un remède, une amulette ou bien de l'eau bénite ? La prêtresse émeraude peut vous aider à vous débarrasser du mauvais oeil et de l'infamie des démons !"

Le plus souvent, le pauvre passant refusait tout simplement de lui répondre et lui agitait vivement une main devant la figure. Mais, sans se laisser décourager, le jeune fille continuait son démarchage chez une autre âme charitable, au moins prête à l'écouter.

La plupart du temps, s'ils daignaient s'arrêter, c'était simplement par considération pour sa mystérieuse tenue...

Elle tourna sur elle-même, formant un tourbillon venteux, qui emportait la poussière s'élevant du sol sur son passage. Hypnotisante danse, qu'elle avait dans le sang et qui donnait l'impression à quiconque l'observant qu'on lui avait jeté un sort. Souffrant de magie que ça soit elle, ou le spectateur.

Elle était vêtue d'un shozoku, sorte de long kimono, dont la vertu solennelle était brisée par cette couleur rose, un peu tâchée de terre ou autre mixture colorante. On aurait dit que son apparence avait été assemblée par le fruit du hasard ; quelques fils rouges pendaient le long des manches de sa tunique tandis que sa côte droite était bariolée de dessins d'yeux, plus ou moins réalistes.

Quelques poissons ou autres amulettes, directement encastrées dans le vêtement, nageaient aléatoirement sur son corps. 

Elle n'aimait pas le raconter, mais elle avait dérobé cette tenue de prêtre dans un temple shintoïste lorsque le tout jeune religieux s'était rendu à sa baignade quotidienne, dans les onsens des montagnes.

Elle l'avait finalement teintée en rose, par pure préférence pour cette couleur et par espoir que le détenteur primaire de cette tunique ne la reconnaisse.

Avec ça, elle était persuadée d'être protégée !

Sa mère lui avait dit que c'était ainsi que ses ancêtres et les ancêtres de ses ancêtres se protégeaient du mauvais oeil et des maux. Donc, malgré les regards médisants se posant sur sa personne, elle gardait la face, persuadée de vivre dans le bon côté du monde.

Après tout, la honte ne tue pas mais la maladie si.

Papa n'avait pas voulut se plier à cette règle et le voilà souffrant. C'était donc son rôle à elle d'assumer les foudres de ce Dieu mauvais qui s'acharnait sur lui ; elle devait redoubler d'efforts pour se faire pardonner pour l'insolence de son humain de paternel.

Elle criait encore : "la prêtresse émeraude aux mains d'argent peut vous aider. Elle peut vous soigner !"

Enfin, elle n'était même pas parvenue à venir à bout des maux infligés à ses proches. Alors, secourir les autres aurait été un peu gros, n'est-ce pas ?

Puis, sa posture manquait de dignité à bien des égards ; un imposant sac à dos, débordant de toutes sortes de babioles pittoresques et superstitieuses encombrait ses épaules et gigotait à chaque pas.

Ses cheveux roux, brillant d'un éclat sale sous la crasse, étaient encombrés de toutes sortes de feuilles et de végétation, comme si elle vivait dans la forêt depuis quelques temps ou bien qu'elle était elle-même une forêt. 

On ne l'approchait donc pas souvent et la plupart du temps, c'était elle qui s'avançait.

Il est vrai que la fierté s'effritait après que sa bonne humeur avenante ait été éconduite à tous les coins de rues. Son enthousiasme, sincère au départ, s'était vite transformé en gaieté limité et finalement en sympathie feinte.

Son sourire s'était desséché, à force de se retrouver face à des refus. La jeune fille se confortait donc dans une idée délicieusement rassurante, pointant le bout de son nez à chaque fin de journée. Son plus grand désir, après celui d'avoir assez pour acheter un remède, était de courir le retrouver, une fois les étalages désertés.

Elle se mit donc à filer à travers la foule, un sachet contre sa poitrine. Elle savait que le précédent n'avait eu aucun effet sur lui. Oui, mais, celui-ci était différent. Elle y croyait avec force.

Après tout, sa mère lui répétait sans cesse qu'elle n'était pas comme les autres. Si elle sentait que les choses changeraient avec cette poudre mystérieuse, fournie par l'apothicaire du coin, alors les choses changeraient.

Mais la candeur exacerbée de la jeune rousse ne lui fit pas remarquer l'évidence de cette remarque, qui l'aurait vexée et énormément incommodée : si elle avait été spéciale, comme elle le disait, alors elle n'aurait pas été obligée de se plier en quatre pour le sauver.


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⏰ Dernière mise à jour : Apr 27, 2022 ⏰

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bohemia | demon slayerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant