EROBYE - Tome 1 : Le Miracle

Chapitre 8.2 - rework

Hyro

En arrivant devant les portes en or massif qui conduisent à la salle du trône, je m'annonce aux sentinelles qui en gardent l'entrée, bien qu'elles sachent pertinemment qui je suis. Il n'y a pas un habitant de cette cité qui l'ignore, en réalité. Ni même un dirigeant d'Erobye. Car le Roi Asryn s'en est assuré.

Je suis la menace qui pèse sur les autres royaumes. Une promesse de mort certaine pour quiconque tenterait d'envahir Myrtha et faire du mal à son peuple. Je suis l'Immortel qui protège les Hommes des créatures des ténèbres qui traversent le voile. Le Miracle. Et la Malédiction. Un fardeau bien lourd à porter pour un jeune homme d'à peine vingt-quatre ans. Mais que j'accepte volontiers en guise de pénitence.

— Le Roi vous attend, annonce le garde tandis qu'il m'ouvre la porte.

J'entre, marchant sur le long tapis en velours blanc qui conduit à l'estrade imposante sur laquelle est scellé le trône du Roi, ainsi que celui de son épouse et de son héritier. Des colonnes en marbre soutiennent plusieurs voutes sur lesquelles sont peintes des fresques que je n'ai jamais pu admirer à cause de ma vue médiocre. Diego me les a maintes fois décrites. Des représentations du Dieu Solaris et de son épouse, pourfendant des armées démoniaques aux côtés d'Immortels et d'Hommes.

Même s'ils demeurent toujours silencieux, je détecte la présence de Cara et West, les fidèles chevaliers du Roi. J'entends et reconnais leur souffle, ainsi que leur odeur singulière. Mon ouïe et mon odorat se sont prodigieusement développés au fil des années. Mon toucher est d'une sensibilité hors du commun, tout comme le goût, qui me permet de déceler les poisons les plus inodores et insipides.

Enfant, j'ai développé un fort attrait pour les arts du combat. C'est Bardan qui m'a formé. Je passais la majeure partie de mon temps avec lui, car je l'aime comme un père. Ce dernier est resté auprès de moi jusqu'à mes dix-huit ans, me guidant et me préparant à affronter le monde et le destin qui m'est réservé. Lorsque Bardan s'absentait pour effectuer des missions pour le compte du Roi, je m'entrainais sans relâche du matin au soir. Je suis devenu une ombre qui se meut avec tellement d'agilité, de légèreté et de rapidité qu'il est parfois difficile de voir mes mouvements.

Je suis un passionné d'armes et attends impatiemment le retour des expéditions de Bardan, car il me ramène à chaque fois une arme antique ou sacrée, qu'il a dénichée lors de ses nombreuses quêtes et aventures. En réalité, j'aurais aimé pouvoir vivre avec mon maître d'armes et mentor, loin du palais. Je rêve de voyages, de découverte et de liberté.

Mais cette vie m'est interdite. À cause de ce que je suis : Le Miracle et la Malédiction. Je nourris une certaine amertume pour le Roi Asryn qui pourtant, m'a libéré de ma prison souterraine alors que j'étais enfant. Le fait est qu'il m'a extrait des mines pour m'enfermer dans une prison dorée. Je suis enchainé à ces putains de murs. Par devoir envers la population de Myrtha. Et d'Erobye. Je suis le dernier rempart entre le peuple et les forces tapies derrière le Voile.

Lorsque j'arrive en bas des marches, je m'incline en signe de respect et attends que le Roi autorise à me relever.

— Bonjour, Hyro, me salue-t-il. On m'a dit que tu te sentais mieux et que tu avais même chevauché ?

— C'est exact, Majesté.

— Je suis ravi de l'entendre. Je suppose que tu t'es rendu sur la tombe de ton frère ?

Je crispe les mâchoires avant de répondre.

— Oui.

— Sache que je suis profondément navré de ce qui est arrivé à Erin, Hyro. Je tenais à te présenter mes condoléances de vive voix. S'il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour vous aider toi et Diego...

— Merci, Majesté.

— Bien. Je voulais également m'entretenir avec toi de la fête du Printemps qui va avoir lieu dans trois semaines.

— Je ne veux pas le faire, je réponds aussitôt, levant mes yeux de glace vers mon souverain avec défiance.

— Tu sais pourtant que le peuple a besoin de te voir.

— Le peuple a besoin de voir un pantin faire des tours de magie ! je réplique avec amertume. Je suis las de jouer les bouffons du Roi, sauf votre respect, Majesté. Dorh'Orin est toujours en vie et on sait dans quelle région il se cache ! J'aimerais partir pour le Mont O'Deidh dès que possible pour le traquer.

Je devine le sourire crispé du Roi tandis que ce dernier me répond d'une voix calme mais autoritaire.

— Tu as toujours su faire preuve de franchise avec moi et ne t'es jamais gardé de me faire part de tes pensées. Et ce, depuis notre toute première rencontre, n'est-ce pas ?

En effet, je me souviens parfaitement du jour où Asryn m'a libéré. Et de la promesse funeste que je lui ai faite. Bien que nos rapports ne soient pas toujours roses, je n'ai jamais voulu nuire au Roi pour autant. C'est un bon souverain et un fervent protecteur du Bien. Je n'ai jamais compris pourquoi de tels mots sont sortis de ma bouche, mais pour une raison inconnue je sais, au plus profond de moi, qu'un jour, je tiendrais cette promesse.

— Il est déjà prévu qu'un escadron parte traquer Dorh'Orin dans peu de temps, reprend Asryn. Et tu en feras évidemment partie. Le Sorcier est une menace sérieuse. On doit l'éliminer à tout prix. Mais avant, je te demande juste de jouer ton rôle de Grand Mage. En ces temps difficiles, le peuple a besoin de voir ta Lumière, Hyro.

Je serre les poings, préférant m'abstenir de répondre. Pavaner devant la foule est bien le cadet de mes soucis. Je veux tuer le Sorcier. Tout de suite. Qui sait combien d'innocents Dorh'Orin massacrera pendant que Myrtha se prépare à festoyer gaiment pour célébrer l'arrivée du Printemps ?

— Comme il vous plaira, Majesté, je réponds pourtant à contrecœur.

— Parfait. Y a-t-il autre chose dont tu voulais me parler ?

Oh, oui, il y a un autre sujet à aborder.

— La kuulaja. Combien de temps va-t-elle rester au Palais ? je le questionne.

— La kuulaja... Elle a fait un travail remarquable. Elle ne s'est toujours pas réveillée. Elle a été sauvée de justesse grâce à la pierre de guérison. D'après le médecin, elle devrait bientôt reprendre connaissance. Je suppose qu'elle retournera chez elle dès qu'elle sera en mesure de voyager. Bien que l'avoir à nos côtés serait un atout intéressant, maintenant qu'Erin n'est plus là... Qu'en penses-tu, Hyro ?

Je dois prendre sur moi pour rester impassible.

— Je pense que plus tôt elle partira, mieux ce sera, je rétorque.

— Pourquoi ? Ne serais-tu pas rassuré de l'avoir à tes côtés au cas où...

— Au cas où je perdrais à nouveau le contrôle ? je le coupe, agacé.

Le silence du Roi est éloquent.

— Je ne veux pas qu'elle pénètre à nouveau mon esprit, je renchéris. Elle est loin d'être préparée à...

— Je trouve qu'au contraire elle s'est très bien débrouillée.

— Mais elle a failli mourir.

— Elle connaissait les risques et elle les a acceptés.

Oui, pour Asryn, tous les sacrifices sont nécessaires pourvu que je puisse rester à ses côtés. Le Roi a besoin de son Mage pour garder sa position au sein d'Erobye et pour livrer sa guerre sainte contre les forces du mal. Je le comprends, mais je déteste l'idée de ne pas être maître de ma vie. Et surtout, la dernière chose dont j'ai besoin, c'est que cette fille reste près de moi.

— De toute façon, ce sera à elle d'en décider, tranche le Roi.

J'acquiesce avant de m'incliner et de me retirer. Je sors d'une démarche calme, malgré la fureur qui s'est emparée de moi. J'ai besoin d'exulter. Aussi, mes pas me conduisent hors du palais. J'abaisse le capuchon de ma cape pour dissimuler mon visage avant de rallier la basse-ville.