César - Jeu littéraire

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   Assise dans sa robe rouge, elle buvait un Martini tout en dégageant la fumée qui lui montait au visage. Elle riait avec une amie qui s'était assise sur le bras du divan tout en caressant les cheveux de celui qui reposait sur ses cuisses, César. Fantôme du quartier latin, je ne sais plus si c'est son vrai nom, son faux nom, ou un nom que je lui ai donné moi-même. Personne ne semble remarquer son existence. Après tout, il ne ressemble qu'à un dandy comme on en voit des centaines, des milliers dans ce genre de soirées cossues. Mais je connais l'un de ses plus graves secrets : personne ne l'a jamais invité.

   C'était il y a trente-quatre jours, à l'anniversaire de Pam, j'étais arrivé en retard à cause d'une banalité avec l'administration de l'université qui prouve bien qu'il s'agit là de l'un des plus grands cancers de la société occidentale... Mais je m'égare. J'arrivai donc à la villa de Pam lorsqu'un emballage Président me tomba sur le visage. Surpris par cette graisse qui s'était posée sur mon visage, je levai la tête et le vis : César. Il était complètement nu sur le toit de la villa et essayait de faire entrer sa main dans la fenêtre entre-ouverte de la salle de bain. Le temps de sortir mon téléphone, il avait déjà glissé tout son corps dans cet espace étroit ! Ébahis par ce spectacle inhumain, je compris qu'il avait graissé sa peau avec la plaquette de beure pour pouvoir glisser plus facilement. Un sentiment de révolte s'empara de moi, que voulait-il ? Cambrioler ? Tuer ? Violer ? D'un pas déterminé je pénétrai la villa sans saluer le moindre de mes amis et montai les marches pour atteindre la salle de bain le plus rapidement possible. Arrivé devant la porte fermée, je frappai frénétiquement la porte qui s'ouvrit au bout d'une minute. César. Peau halée, cheveux noirs et lisses, il était habillé avec un costume trois pièces et me souhaita le bon soir avant de rejoindre la fête. Mes jambes fléchirent, la surprenante nonchalance du personnage me laissa fébrile et je m'évanouis dans la salle de bain de Pam.

   Par chance, malgré cette étrange manie, César ne semblait pas mal intentionné, juste ridiculement seul. Mais tout de même ! A-t-on idée de s'introduire ainsi dans des soirées où l'on n'a pas été invité ? Depuis ce jour, chaque jour, chacun des trente-quatre jours, je remarquais sa gueule de roumain dans le même costume trois pièces, se pavanant auprès des dames et des messieurs sans que personne ne soupçonne le scandale qu'il pouvait susciter. Je tirais frénétiquement sur ma pipe, en espérant me détendre, mais son esprit tarabiscoté me troublait trop, l'idée qu'un tel malade trompait ainsi mes amis me répugnait. Son charisme m'avait troublé la première fois que je l'avais vu, qu'à cela ne tienne ! Il était temps que je prenne mon courage à deux mains, que je me lève et que je lui passe le savon que mérite son insolence ! Serrant dans ma poche le savon de Marseille que j'avais pris pour l'occasion, je bondis de ma chaise et marchai vers le divan où elle buvait un martini tout en riant avec une amie pendant que César soufflait la fumée de sa cigarette en étant posé sur ses cuisses.

   C'est alors qu'un toreador apparut avant moi devant le divan en se craquant les poignets. Il regarda César et lui dit d'un ton péremptoire : « Dans le jardin. Il est temps pour toi de mourir. » César roula des yeux et glissa sa cigarette dans la bouche de celle qu'il enfumait avant de se dresser mollement pour rejoindre le toreador dans le jardin. Surpris par la tournure des évènements, je me précipitai à la fenêtre pour voir le combat. Aberrant. César dominait déjà son adversaire et enroulait comme un python ses cuisses autour de son cou. Ils étaient au sol et le toreador cherchait à se libérer de cette étreinte en sortant un couteau de la poche de sa redingote, mais César lui asséna un bourre pif qui mit un terme au combat. Le vainqueur s'étira avant de retourner à l'intérieur pour se reposer. Sidéré par ce combat aberrant, mes jambes fléchirent à nouveau et je manquai de m'évanouir dans le salon de Pam. Si je n'avais pas fait preuve de lâcheté durant ces trente-quatre derniers jours, ça aurait pu être moi, l'homme allongé dans l'herbe humide du jardin, frustré de n'avoir pu mener à bien son projet de justice morale.

   Il ne me restait plus qu'à accepter ma défaite. Je me levai et marchai vers le divan. En me voyant, César leva ses jambes pour me laisser m'asseoir avant de les reposer sur mes cuisses.

 "- C'est toi qui sens le thym comme ça ? J'adore !

- Merci mon ange. "

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