chapitre 3 : une peur bleue

2.7K 167 26
                                    

Comme prévu plus tôt par Gennaro, tout le monde se réunit à l'extérieur, autour d'une table aménagée et décorée exprès pour l'occasion.
Assise au côté de Lorenzo qu'elle avait eu l'occasion de rencontrer tout à l'heure et qui s'était montré très sympathique avec elle, Giana observait son assiette sans grand intérêt, tout appétit envolé. Depuis qu'ils s'étaient tous retrouvés ici, autour de ce délicieux repas et des anecdotes que contait joyeusement Gennaro, une mélancolie soudaine s'était emparée de la jeune femme qui n'avait pas prononcé un seul mot de la soirée.
Ses pensées voguaient vers le seul amour de sa vie avec qui elle aurait aimé partager tous ces moments. Quoique, s'il était toujours en vie, elle n'aurait jamais rencontré Gennaro, ni Lorenzo, son cousin. Le connaissant, son défunt mari ne l'aurait jamais emmené en Italie. Il aurait préféré aller visiter l'Afrique s'il le fallait ou même les Maldives plustôt que de retourner dans son pays natal et en avoir pleinement conscience, lui brisait le cœur à Giana, à un point tellement inimaginable qu'elle en vint à se demander si faire ce qu'il n'avait jamais voulu, ce qu'il pensait bon pour elle, était la meilleure façon de lui rendre hommage.

— Hey, est-ce que ça va ?

La voix rauque de Lorenzo qui la bouscula gentiment d'un petit coup d'épaule la sortit assez brutalement de ses pensées. Elle se tourna vers lui, clignant des paupières comme si elle revenait d'extrêmement loin.

— Qu'est-ce que t'as dit ?

— Ça va ? Tu n'as pas touché à ton assiette. Tu n'as pas faim ?

— Non.

Un léger vent passa, la faisant frissonner. Giana resserra son châle autour de ses épaules, frigorifiée. Aujourd'hui, la nuit était froide. Froide comme pouvait l'être son cœur. Ce soir, elle ne se sentait pas d'humeur à rire aux blagues de Gennaro ni à discuter avec cet homme grand et mince qui lui rappelait beaucoup son Dario. Tout le monde à cette table lui rappelait Dario. Elle retrouvait ses traits sur chacun des visages souriant de ces personnes. Comment arrêter de penser à lui dans ces conditions ? Comment oublier qu'il n'était pas là, qu'elle ne sentirait plus jamais sa peau sur la sienne et ne goûterait plus jamais à ses baisers ? Comment arrêter de penser qu'il ne verrait jamais son fils naître et grandir ?

Comment faire pour oublier ?

Ces questions sans réponses tourmentaient son esprit sans arrêt et emplirent ses yeux de larmes. Giana les chassa aussitôt qu'elles étaient arrivées d'un geste furtif qui n'échappa pas à l'œil de Lorenzo.

Soucieux de la voir aussi déboussolée, il prit l'initiative de mettre fin à ce dîner qui s'apparentait plus à de la torture pour la jeune femme. Il était évident qu'elle n'éprouvait plus l'envie de se trouver ici avec eux.

Se levant de table, il prit la parole :

— Je suis désolé d'interrompre le repas, mais Giana ne se sent pas bien. Je la raccompagne dans sa chambre.

Gennaro riva toute son attention sur elle, inquiet à son tour. La tête baissée, elle n'osait pas croiser leurs regards, honteuse de gâcher cette si belle soirée.

— Giana, tout va bien ? s'enquit Marcella.

— Oui. Je suis fatiguée, c'est tout. dit-elle en se levant acceptant volontiers la main que lui tendait Lorenzo.

Sans attendre de retour de leur part, elle tourna les talons et disparut à l'intérieur de la villa. Les jumelles se levèrent, prête à aller la consoler. Si il y avait bien des personnes qui la comprenaient et savaient exactement ce qu'elle ressentait en ce moment même, c'était Francesca et Marcella. Seulement, elles n'avaient pas fait un pas que Lorenzo les arrêta.

Gia et Le SoldatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant