MéganeAssise sur le tabouret du grand bar, j'appelle la barmaid qui accoure aussi vite. J'ai une envie folle de boire, d'oublier cette foutue journée pourrie. Quand on y repense, elle n'a pas si mal commencé.
Je me suis levée en retard, comme tous les matins, pour rejoindre mon super travail (notez l'ironie). En soit, travailler dans une salle de spectacle est plutôt une bonne chose, si au moins je ne travaillais pas comme simple assistante du manager. Ça me permettait de gagner de l'argent, c'est sûr, mais j'étais traitée comme une vulgaire chose ramassée dans une poubelle. J'apportais le café, une bouteille d'eau, une salade en mug, un ventilateur parce que monsieur le manager avait chaud... Ouais, un travail à la con quoi. Mais bon le côté positif, c'est que même après avoir été licenciée pour avoir insulté un spectateur qui s'approchait un peu (beaucoup) trop de moi, j'ai réussi à voler le pass qui permet l'entrée de la salle.
Vous n'imaginez même pas la joie que je vais me faire d'aller pourrir le bureau de mon supérieur en recouvrant sa tapisserie de salade qu'il aime tant.
Bref, je suis sans emploi maintenant. Mais c'est pas terminé. Non, tout va encore trop bien. J'ai encore « oublié » de payer le loyer de ce mois-ci. Enfin, c'est surtout que le peu que me payait mon travail ne me permettait pas de payer loyer, courses et autres dépenses utiles. Du coup mon super propriétaire s'est fait une joie de m'annoncer que mes affaires doivent être débarrassées d'ici demain matin, pour qu'il puisse remettre le studio à un « vrai locataire », a-t-il dit. Et c'est mon père qui s'est fait une joie de me voir revenir chez lui, dans notre appartemant où seuls nous deux vivions depuis que ma mère nous a quitté il y a dix ans suite à un accident de la route. J'ai fait mon deuil depuis mais j'avoue que parfois, il me prend l'envie de regarder notre film préféré pour pleurer en pensant à elle.
Pour couronner le tout, j'ai juste envie de me bourrer la gueule et mes deux partenaires de crime ne sont même pas disponibles. Ilia a un entraînement de basketball ce soir et Anais sort avec son petit-ami si parfait. J'ai l'impression de parler de gamines de quinze ans et pourtant nous arrivons sur nos vingt-sept ans. Quelle vie. Je suis apparemment la seule désespérée du coin à vouloir oublier sa journée.
Enfin presque la seule.
Certains soirs y'a ces gars que j'ai vaguement déjà vu chez Harry's, le bar du coin où j'adore venir pleurer sur mon sort (ce que je fais en ce moment même d'ailleurs). Ils sont plutôt mignons et bien foutus. M'enfin, ils n'ont pas l'air d'être les couteaux les plus affûtés du tiroir comme disait ma mère...
Ouais, je juge facilement. Mais ils restent tout de même de parfaits inconnus et je veux que ça continue comme ça. Mes amies et moi ne nous en sommes jamais approchées, même si Ilia trouve l'un d'eux, un métisse, plutôt "canon". Et pour l'instant, je n'ai vu aucun des trois de la soirée.
Tout ça pour dire que j'ai passé une journée pourrie et que maintenant, je me retrouve dans ce bar, le Harry's, en débardeur jean, une couette haute renfermant tous mes cheveux bruns, la tête dans mes bras sur le comptoir. J'ai bu juste une bière et ça m'a suffit à comprendre que l'alcool ne va pas arranger mon état.
Je suis seule et tout le monde s'amuse autour de moi.
- Aller Meg ça va s'arranger, me souffle Alice, la propriétaire du bar et barmaid.
Toutes les deux, on se connaît depuis mes premiers jours dans ce quartier, soit cinq ans. Mais maintenant que je suis obligée de faire mes bagages, je n'ai plus envie de rien. Je vais perdre mes petites habitudes et ce bar où je me rends presque toutes les semaines.
- J'ai pas envie de perdre cet appart, je lui avoue alors qu'elle essuie un verre. J'aime mon père mais être indépendante ça me plaît.
Et c'est vrai. Mon père et moi sommes vraiment fusionnels depuis la mort de ma maternelle, mais j'ai toujours voulu être indépendante. Depuis que j'ai enfin réussi à quitter le nid familial, il essaie à tout prix de me faire rester. Jusqu'à aujourd'hui, ses tentatives ont échoué mais désormais, ça a l'air de payer...
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L'inconnu du bar
RomanceVirée et sans un toit au-dessus de la tête, Mégane trouve refuge dans le bar de ses amis, sa petite bulle qu'elle fréquente si souvent. Et même si elle est habituée à y venir, ça ne l'empêche pas de s'imaginer sa rencontre avec cet homme qui la fait...